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Sidi bel Abbès. Théâtre algérien en mouvement
Sidi bel Abbès. Théâtre algérien en mouvement
Le renouveau prend du relief

L’année 2007 est-elle en train de capitaliser l’avancée que le théâtre algérien a accomplie durant la décennie 1990 ?

Il y a tout lieu de le croire, comme en témoignent les nouvelles lignes de force traduites dans l’ensemble des spectacles présentés lors du festival de théâtre professionnel de Sidi Bel Abbès, une rencontre ayant récemment regroupé une sélection de dix compagnies sur la moitié du pays. A cet égard, même si tous les spectacles n’ont pas abouti et même si les meilleurs d’entre eux souffraient d’imperfections sur les détails, il s’est imposé, à travers eux, un théâtre qui s’affranchit résolument des pesanteurs qui corsètent l’expression artistique, un théâtre qui emprunte la voie de la transgression. Le rapport au corps, et particulièrement à celui de la femme, le rapport au couple, pas nécessairement « légitime », l’amour charnel et l’amour tout court sont à la base de toutes les intrigues. La distance entre les corps est bannie. On se touche et on s’attouche. C’est également la question du pouvoir dans toutes ses manifestations et bien d’autres questions liées à une esthétique qui n’est plus seulement de la séduction, parce que les mots n’expliquent pas tout. Ainsi, la musique, le chant, la chorégraphie et la scénographie ne se sont pas contentés d’être des artifices mais ont rempli une fonction dramatique. L’avancée accomplie durant les années 1990 est en dépassement. Cependant, avant de pousser plus loin le constat, il convient de faire un sort au tenace préjugé consistant à soutenir que cette décennie a été celle du trépas du théâtre algérien, un préjugé né de la confusion entre l’agonie qu’a vécue le théâtre d’Etat, durant cette période, et un théâtre algérien qui ne correspondait déjà plus au contour des seuls sept théâtres publics et à ses sociétaires. De la sorte, le théâtre a fait mieux que survivre puisqu’il s’est permis une véritable refondation tant dans sa thématique, son esthétique que dans l’organisation de son système de diffusion et de production théâtrales. L’évolution s’est opérée d’elle-même, pratiquement par effraction. L’Etat affrontait alors une subversion autrement plus mortelle que celle dont le théâtre pouvait être à l’origine. Les pouvoirs publics ont laissé faire dans ce secteur qui a, ainsi, conquis sa liberté artistique. Mieux, il s’est trouvé des autorités locales des villes de l’intérieur du pays qui accueillirent favorablement toute activité théâtrale dans leurs régions. Pour eux, cette dernière témoignait efficacement du fait que l’Etat algérien et la société étaient encore debout. Et ces pouvoirs locaux injecteront de l’argent, ce qui permet aux troupes de monter des spectacles et d’organiser des journées théâtrales partout, et de diffuser leur production à travers ces manifestations. Des dizaines de festivals se tenaient malgré la mort et le couvre-feu. C’est ce qui explique que le renouveau théâtral soit venu des villes de l’intérieur. C’est, également, une nouvelle génération d’artistes qui a opéré la mue, une mue commandée par « El gemra » et les remises en cause qu’elle a entraînées. Elle s’est imposée aussi alors que dépérirent les tutelles quasi organiques par rapport aux différents courants politiques et idéologiques, des tutelles auxquelles le mouvement théâtral fut inféodé et qui ont marqué son éthique ainsi que son esthétique. Les artistes commencèrent à appréhender autrement le réel, développant en conséquence, une autre manière de le rendre. Ainsi, c’est la tragédie endurée, et non pas l’ouverture engagée par octobre 1988, qui leur a fait réviser nombre de leurs certitudes premières et retravailler leur sensibilité. Et, de ce fait, le théâtre s’est ouvert qualitativement au théâtre universel ainsi qu’à tous les genres. Aussi, l’a-t-on vu s’engager dans une franche percée sur toutes les thématiques liées à l’humain comme dans un travail plus élaboré en matière d’esthétique et du jeu du comédien. Enfin, le théâtre algérien a cassé le tabou des langues. La question de l’utilisation de l’arabe dialectal ou du littéraire ne se posera plus dans les mêmes termes alors que tamazight gagnait l’espace scénique. En outre, peu d’artistes éprouvent de la gêne à proposer une version française de leurs spectacles lorsque l’occasion leur est offerte. Subséquemment, en échappant à la puissance administrative du tout-Etat qui régentait dans ses moindres replis la vie économique, sociale et culturelle du pays, le théâtre a investi « l’initiative indépendante ». De nombreuses compagnies dénommées coopératives naquirent. Depuis, le théâtre professionnel en Algérie n’est plus réductible aux seuls théâtres d’Etat. Cependant, la normalisation du pays amorcée avec le début des années 2000 ainsi que la censure par l’argent, lui firent connaître un net fléchissement par rapport à l’exigence éthique et artistique qui le caractérisait. Ses spectacles tombèrent pour beaucoup dans la facilité, celui du rire gros et gras et versèrent dans le cabotinage pour capter un public jugé inapte à apprécier un théâtre de qualité. Le contraste est aujourd’hui frappant avec l’embellie que constitue la manifestation « Alger, capitale de la culture arabe ». Un nouveau cycle se fait jour avec un record de 45 spectacles subventionnés. Ainsi, à Sidi Bel Abbès, la moisson a été belle. Tous les spectacles transcendaient le quotidien qu’ils avaient repris l’habitude de plaquer sur scène. Pour certains, la médiation s’est fait par le biais du mythe, que celui-ci relève de la féerie ou du tragique et qu’il soit puisé de la mythologie grecque, mésopotamienne ou du patrimoine maghrébin. Le surnaturel avec ses djinns et ses démons y est présent en force. Pour d’aucuns, cette recherche de repères à travers le fantastique n’est pas sans rapport avec le traumatisme vécu durant la décennie rouge. Le besoin d’exorciser les démons est présent tout comme celui de trouver des réponses par rapport aux incertitudes de l’avenir. Il y a de l’angoisse et du stress dans une quête de réponses à travers ce qui échappe à la rationalité. Le théâtre des années 1990 apparaît, alors, avec le recul loin de tout défaitisme, bien qu’il était lui aussi loin de tout optimisme. Les couleurs dominantes de ce théâtre sont le rouge, le noir et le bleu tant dans les costumes, les décors que dans les lumières. Les chorégraphies sont de l’ordre de la transe. On ne voit pas les visages comme dans une volonté de gommer les figures et les expressions. « Le clair est un clair-obscur », relève Abderrahmane Zaâboubi, scénographe. La question de l’amour est récurrente, mais les histoires s’achèvent par la mort, la folie ou la séparation forcée. « Cependant, même s’il relève de l’utopie, il est pensé comme une thérapie. Il y a chez les auteurs des spectacles une croyance que l’amour peut les libérer eux et la société. C’est, d’ailleurs, la seule certitude qui transparaît », note pertinemment Mohamed Bakhti, le président du jury du festival. La chorégraphie est presque dans tous les spectacles parce qu’on est dans l’informulé. Cependant, si l’on devait positiver cette esthétique du désespoir, l’on retiendra l’avancée que la chorégraphie a réalisée même si, parfois, elle était sommaire. La phrase chorégraphique ne vient pas en redondance par rapport au texte dramatique. Dans Antigone, présentée par la compagnie Mahfoud Touahri, ce dernier s’efface pour laisser dire à l’écriture scénique qu’Antigone et Hémon ne sont pas seulement des fiancés mais des amants. C’est une chorégraphie « torride » qui le dit dans un corps-à-corps entre les deux personnages, Antigone, habillée d’une longue et moulante robe rouge. Le public a applaudi à tout rompre à l’audace et à la performance artistique. Idem dans La Descente d’Ishtar aux enfers, par la troupe Praxis. La relation amoureuse est exprimée à travers une chorégraphie qui rappelle la parade amoureuse des oiseaux pour se clore par un acte sexuel délicatement suggéré. Là, aussi, le public a adhéré à la hardiesse du metteur en scène. Et, dans tout cela, il y a lieu de relever le risque pris par les comédiennes dans une société grêlée par la pruderie. Les comédiens, eux aussi, dans une moindre mesure, n’étaient pas en reste pour avoir campé des homos efféminés. Par ailleurs, pour avoir été membre du jury du festival, nous n’omettrons pas de témoigner que celui-ci a été dans l’embarras pour choisir les prix d’interprétation tant les talents foisonnaient. La relève des Sirat, Medjoubi, pour ne citer que les morts, est là, une relève fort nombreuse et, pour la majorité de sa composante, disposant de bagages universitaires, ce qui n’était pas le cas auparavant. A côté de la chorégraphie, il y a la scénographie qui marque une présence considérable. Ses décors sont monumentaux, vifs et colorés. Les comédiens son ramenés parfois au niveau d’éléments scéniques à tel point que parfois sont dessinés sur scène de véritables tableaux de maîtres. De ce point de vue, la stylisation dans En attendant Godot, une coproduction du TRSBA et d’El Melga de Tindouf, est poussée à l’extrême. Quant à la musique, elle « s’est véritablement imposée en nouvel élément d’expression », juge Omar Assou, musicien. Elle est également une musique qui fait bouger les corps. Au bout du compte, vivement le festival national d’Alger pour s’assurer que le renouveau au théâtre algérien a pris du relief et pas seulement à Sidi Bel Abbès.

M. Kali
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