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Amin Zaoui. Directeur de la bibliothèque nationale
Amin Zaoui. Directeur de la bibliothèque nationale
Les livres doivent parler

Cet homme rêve de prélever quinze centimes par paquet de cigarettes pour soutenir le livre. Une idée pas si fumeuse que cela pour un secteur dont les maux se répercutent discrètement mais terriblement sur l’ensemble de la société, de l’économie à l’éducation.
On compte en Algérie un livre pour deux habitants, soit la moitié de la norme Unesco pour les pays en développement. Comment a-t-on pu en arriver là ?
Je pense que le livre, partout, relève avant tout de la présence continue de l’Etat pour le soutenir. Cela vaut encore plus en Algérie où nous manquons d’infrastructures, de professionnalisme à tous les niveaux de la chaîne du livre, de tout ce qu’on appelle la civilisation du livre. Ces insuffisances touchent autant les bibliothèques que les librairies. Mon idée serait de créer une caisse nationale d’aide au livre. Elle serait gérée par les syndicats du livre ainsi que par le Conseil national de la culture pour l’orientation de cette caisse. Pourquoi par exemple ne pas prélever 15 centimes sur un paquet de cigarettes et alimenter ainsi ce fonds ?
Mais c’est encore une idée personnelle ou un projet admis par les institutions et en cours de lancement…
J’ai lancé l’idée dans une conférence et je pense que c’est une solution pour couvrir les besoins du livre en général. Nous avons une chance : les Algériens lisent les journaux. Cette tradition est unique dans le monde arabe. Il s’agit aujourd’hui de passer de la lecture journalistique à la lecture d’ouvrages, d’une lecture disons passagère à une lecture plus durable et profonde. Là, l’Etat dispose d’une occasion historique pour susciter et accompagner cette évolution.
Votre idée est intéressante mais une telle manne financière servirait à quoi précisément…
A encourager notamment les diffuseurs du livre et les libraires. Dans les pays les plus avancés, les libraires ne sont pas considérés comme de simples commerçants. Leur présence est d’ordre civilisationnel. Une telle caisse permettrait déjà d’encourager ces libraires ainsi que les bibliothèques et les bibliothécaires, de développer les infrastructures et, en même temps, d’encourager aussi les écrivains, les éditeurs… Mais c’est avec tous les concernés qu’on pourrait définir une stratégie pour allouer ces fonds.
D’où la question posée par tous les acteurs du secteur qui se plaignent de l’absence d’une politique nationale du livre…
Il est vrai que le livre est resté à la marge. Or on ne peut pas faire de la politique, de l’économie ni de la santé en l’absence du livre. Ce n’est pas parce que je dirige la BN que je le dis, mais d’abord en tant qu’écrivain. Si on doit investir, il faut commencer par la culture et, dans la culture, essentiellement par le livre. Sans le livre, il n’y a pas d’éducation, pas d’école. Nos écoles restent des ghettos pour enfants, des garderies et pas de vrais espaces de culture pour lire et rêver, imaginer et apprendre à penser…
La BN est en train de se déployer sur le territoire national. Où en est ce programme de création d’annexes régionales ?
D’abord, une bibliothèque nationale ne doit pas être un lieu fermé mais un espace de rencontres, d’idées, de débats. Les livres ne peuvent rester dans des magasins et sur des étagères. Les livres doivent parler, aider les gens qui font ou cherchent la culture, la science, le savoir. C’est donc avant tout un lieu de vie culturelle. La mission de la BN consiste aussi à promouvoir la lecture publique. Il y a trois ans, j’ai lancé le projet des annexes. Au début, c’était une idée un peu floue. Mais après avoir convaincu les partenaires, le ministère de la Culture, celui des Finances, nous avons commencé à concrétiser ce rêve. Maintenant 14 annexes sont créées officiellement et une demi-douzaine est déjà fonctionnelle : Tiaret, Béchar, Béjaïa, Chlef, Relizane… Ce sont des bibliothèques professionnelles qui seront reliées à la BN par Intranet.
Avec leurs propres fonds quand même…
Absolument, leurs fonds, leur personnel, leur statut… Mais nous voulons qu’elles puissent avoir accès au fonds de la bibliothèque mère, notamment pour les chercheurs, car elles se trouvent toutes dans des villes universitaires.
Cela suppose donc un travail de numérisation des fonds de la BN ?
Oui, nous avons commencé par le fichier de la BN avant de numériser les ouvrages mais nous avons débuté par les manuscrits du fait de l’urgence. Nous avons acquis cette année un matériel sophistiqué de numérisation. En mai 2007, une rencontre des bibliothèques du monde arabe aura lieu ici et nous discuterons entre autres de la possibilité de ne pas numériser les mêmes documents, cela pour réduire les coûts de l’opération. Les annexes régionales sont dédiées aux chercheurs, à la lecture publique et aux enfants, car on ne peut imaginer un lecteur jeune puis adulte sans transmettre le virus de la lecture aux enfants. Ces annexes doivent être aussi des espaces culturels régionaux. Les manifestations de la BN pourront circuler à travers ces annexes.
Plusieurs BN dans le monde sont réservées aux chercheurs de haut niveau. Une telle démarche est-elle envisagée chez nous ?
Vous savez, cette pratique n’est plus de mise dans de nombreux pays. J’ai visité dernièrement la BN de Rio de Janeiro. Je connais aussi celles de Caracas, Paris, etc. Il y a un retour à l’ouverture de ces institutions au public. Ce ne sont plus les bibliothèques classiques, un peu froides… Le statut de la nôtre nous permet de combiner l’activité en direction des chercheurs avec la lecture publique et enfantine.
Notre BN devient un pôle d’animation culturelle avec des rencontres, des colloques, etc. Comment cette activité est appelée à évoluer ?
Nous avons organisé, il y a deux semaines, le Colloque international sur le philosophe Derrida qui a eu un grand écho international. On organise de nombreuses rencontres similaires, sans compter les activités plus courantes telles que le café littéraire. En 2007, il est prévu cinq rencontres de premier plan : celle sur la femme et la création littéraire en collaboration avec le centre d’étude sur les femmes de Londres, celle sur les penseurs de la Méditerranée, celle sur la diaspora intellectuelle arabe dans le monde et d’autres sujets passionnants. A ce propos, il y a une chose qui me fait mal en voyant notre bibliothèque nationale qui est une des plus belles du Sud…
Même par rapport à la nouvelle d’Alexandrie ?
Non, sincèrement, je l’ai visitée et la nôtre est mieux dans l’ensemble, mais c’est la remarque que je voulais faire, celle d’Alexandrie, par exemple, dispose d’une magnifique salle de conférences tandis que la nôtre est plutôt étriquée, 500 places, un plafond bas… Nous avons besoin d’une salle de 1000 places avec un auditorium, une vraie scène… A Paris et à Berlin, les BN organisent des concerts et des expositions. Elles touchent toutes les disciplines alors que nous nous trouvons handicapés de ce côté. Pourtant, le reste de notre institution a été conçu dans des normes et dimensions appréciables. Cela dit, j’ai vu la BN de Tunis qui a ouvert depuis une année, elle ne dispose même pas d’une salle, et dans l’ensemble, il n’y a pas de comparaison avec la nôtre. J’aimerais aussi parler du fonds maghrébin que nous conservons ici. Il a été constitué à l’époque coloniale puis enrichi du temps de défunt Mahmoud Bouayed auquel il faut rendre hommage. Ce fonds est unique au monde et nous pouvons en être fiers.
Vous êtes gestionnaire d’un côté et écrivain de l’autre. N’arrive-t-il pas que l’un des deux entre en conflit avec l’autre ?
Oui, c’est vrai. Une bibliothèque est déjà un lieu de contradictions par les livres et les idées diverses qu’il contient. Mes deux moi se bagarrent parfois mais j’essaie de résoudre cela dans une philosophie de la gestion du temps. C’est un grand problème de notre société. Je m’efforce donc de donner à chacun le temps qu’il lui faut. Et pour moi, l’écriture est un plaisir. Je la réserve donc au temps du plaisir.
BIO-EXPRESS
Amin Zaoui est né en 1956 dans la wilaya de Tlemcen. Il a obtenu en 1988 un doctorat d’Etat en littératures maghrébines comparées à l’Université de Damas. Il est connu surtout en tant qu’écrivain avec la singularité d’écrire aussi bien en français qu’en arabe. Il a publié à ce jour 14 romans et essais (dont deux collectifs), parus à Paris, Beyrouth ou Alger. Il a également traduit vers l’arabe Habel de Mohammed Dib et A quoi rêvent les loups de Yasmina Khadra. Son prochain roman, Festin de mensonges doit paraître en février 2007 aux éditions Fayard, Paris.

Ameziane Ferhani
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