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4e Rencontre sur la politique culturelle |
Historique !
Par Sara Haider. Djazair News. 05.02.2013
L’on peut marquer cette journée du 3 février avec une pierre blanche. Même s’il ne s’agit pour l’heure que d’un projet, un groupe de travail constitué d’une centaine de jeunes vient de rédiger une politique culturelle pour l’Algérie.
Présenté samedi dernier à l’espace Plasti, ce projet de politique culturelle est une première en Algérie. Dans l’absence de texte légal définissant clairement la stratégie de l’action culturelle dans le pays, un groupe pluridisciplinaire composé de plus de cent personnes, s’est penché sur la question et a mis une année entière à rédiger le document, désormais disponible sur Internet. Le résultat nous a été présenté avant-hier par trois d’entre eux : le Dr Ammar Kessab, spécialiste en management culturel, le blogueur Samir Abdelguerfi et la chercheure et poétesse Habiba Laloui. Tout en rappelant qu’il n’existe aucun texte légal où la culture est définie, Ammar Kessab affirme que le présent document est «un premier pas pour un secteur structuré car l’Algérie mérite d’avoir une stratégie pour son action culturelle dont les objectifs demeurent flous à ce jour». Et de préciser que l’actuelle version de cette politique culturelle reste ouverte à toute contribution et amélioration. Composée de 14 chapitres, cette charte ne sera cependant pas soumise au ministère de la Culture en vue d’une application effective : « Elle est mise à la disposition de tout le monde. Accessible sur Internet, elle pourra être consultée par les responsables du ministère qui auront tout loisir d’en prendre note. Mais nous n’irons pas les supplier », tranche M. Kessab.
Chapitre 1
Il définit le sens même de la culture nationale, les buts et les objectifs d’une politique culturelle ainsi que ses principes directeurs. On peut y lire notamment la nécessité d’une décentralisation de la culture, sur le plan décisionnel, territorial et sectoriel car «Alger n’est pas l’Algérie et la prise de décision ne doit pas venir uniquement de la capitale. Chaque région doit jouir d’une certaine autonomie», argumente l’invité de Plasti. Quant aux principes directeurs, figure en premier lieu le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, suivi de la souveraineté de l’Etat «en terme de maintien, d’adoption et d’exécution des politiques et des mesures qu’il estime appropriées pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles. Cela doit se faire tout en assurant la libre circulation des idées et des œuvres». Y figure également la démocratie participative consistant à impliquer la société civile dans la gestion du secteur, la transparence dans la sélection des critères de la mise en place de l’action culturelle, l’évaluation ponctuelle des activités du secteur selon des indicateurs clairement définis, etc.
Chapitre 2
Il contient l’ensemble des textes fondateurs et législatifs ainsi que les conventions et accords internationaux sur lesquels s’appuie cette politique culturelle. M. Kessab rappelle que l’Algérie a signé une vingtaine de conventions dans le domaine culturel, à l’instar du manifeste culturel panafricain (1969), la Recommandation de Belgrade relative aux droits et au statut des artistes (1980) et la Déclaration d’Alger sur la diversité culturelle et la sauvegarde de des identités et des patrimoines des peuples, etc.
Chapitre 3
Il consiste à définir les rôles des partenaires, organes gouvernementaux, société civile et les partenaires extérieurs. Parmi les alinéas de ce chapitre, citons celui stipulant que les directions de la culture et les services culturels des Assemblées des wilayas et des APC doivent être la première instance responsable de la planification et du développement culturel dans les wilayas. Quant à l’implication de la société civile, elle est le noyau d’une politique culturelle efficiente : « Elle doit assurer une diversité de services et de fonctions pour appuyer les demandes de la population : elle relaie les préoccupations des citoyens auprès des pouvoirs publics ; elle suit la mise en ?uvre des actions, des politiques et des programmes ; elle fait office de mécanisme d’alerte, de gardienne des valeurs et d’innovatrice, en même temps qu’elle contribue à une transparence et une responsabilité accrues dans la gouvernance. Enfin, le rôle des partenaires extérieurs consiste en «un échange d’expertise et d’expérience en vue d’un enrichissement mutuel en termes de savoir et de savoir-faire [….] Cette politique culturelle contribue notamment à développer les réseaux culturels et artistiques, à organiser des forums, des ateliers, des formations et des rencontres pour les créateurs, les gestionnaires et les décideurs, dans le management culturel, en collaboration avec les Etats partenaires ». Les chapitres 4 et 5, ont trait aux artistes et aux disciplines de l’art et de la culture.
Ces derniers œuvrent à définir et de mettre en place le statut de l’artiste ; défendre et aider les artistes et leur liberté de création ; leur assurer les mesures législatives et réglementaires appropriées ; donner la place qui lui revient à l’enseignement artistique ; garantir la liberté d’expression et veiller à ce que les artistes bénéficient sans équivoque de la protection prévue en la matière par la législation nationale et internationale relative aux droits de l’Homme. Le livre et la littérature ont aussi une part importante dans le texte qui prévoit l’attribution d’aides financières ou techniques, de bourses d’écriture et l’organisation de résidence d’écritures, d’ateliers, etc., ainsi que le renforcement des liens entre le secteur de l’éducation et celui de la culture en introduisant des programmes dédiés à la littérature, à l’écriture et à la lecture dans toutes les langues tant à l’école que dans les médias. Le chapitre 6 énonce la mise en valeur et le renforcement de la diversité culturel et du dialogue interculturel ainsi que l’égalité des sexes dans le secteur. Quant au 7e, il concerne la protection du patrimoine. M. Kessab rappelle à ce propos que La Casbah est actuellement black-listée par l’Unesco et risque d’être retirer du patrimoine universel à cause de son état de délabrement avancé. Le 8e prévoit l’installation de mécanismes d’industries culturelles et créatives, à travers notamment la création de cadre juridique et de contrôle et un environnement favorisant les investissements par les politiques appropriées, l’adoption des droits de douanes et des exemptions de taxes qui favorisent la teneur et la croissance des industries culturelles et créatives, la création d’une Agence nationale de développement de l’industrie culturelle et créative, etc.
Le régime des propriétés intellectuelles et des droits voisin y est également détaillé. Le volet financier est scrupuleusement structuré dans le chapitre 10 qui contient un ensemble d’alinéas relatifs aux mécanismes d’aide financière dont les critères de sélection doivent être clairs et les comités entièrement indépendants. Le tourisme culture, les médias et nouvelles technologies, l’éducation et formation artistique et culturelle sont détaillés dans les trois chapitres suivants. Enfin, le 14e et dernier chapitre se penche sur le contrôle et l’évaluation et consiste, entre autres, à «rendre public les noms des membres des comités de sélection au ministère de la Culture ». A ce propos, M. Kessab soulignera à juste titre que personne ne connaît les personnes chargées de cette tâche à la tutelle : « On ne veut pas que ces noms soient communiqués par ouï-dire ou bouche à oreille, mais diffusés sur Internet et accessible au public ». Cette 4e Rencontre et la présentation de cette politique culturelle est non seulement une première en Algérie mais aussi, et sans le moindre doute, un moment historique car si le ministère de la Culture adopte, depuis dix ans, une stratégie opaque et foncièrement saisonnière, la société civile prend de plus en plus conscience de l’urgence d’un changement et d’une réelle structuration du secteur. Pour l’heure, le texte est à l’état de projet et ne manquera pas de faire l’objet d’un débat avec les associations culturelles, dans l’attente d’une éventuelle prise en considération par la tutelle.
S. H.
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