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Musées d’Alger : les cimetières de l’art
Par : Hiba Benfarès. Mon Journal. 01.12.2012

Lieux de détente ou de découverte pour certains, de refuge ou d’éducation pour d’autres, «Le musée est un des lieux qui donnent la plus haute idée de l'homme», disait André Malraux. Mais qu’en est-il des musées en Algérie ? Ces derniers ne font plus partie des plans de sortie d’un bon nombre de citoyens, et ce, à en juger par le faible taux d’affluence enregistré. Pourquoi nos musées sont-ils vides ?

Si l’on vient à les décrire, les musées sont un endroit où se mélangent génie artistique et création, mais aussi où se heurtent le passé et l’avenir. Autrefois, visités au point où l’on se bousculait pour y avoir accès, désormais, ce sont des bâtiments vides qui ne servent qu’à accueillir les fresques, reliques et autres statues pour les laisser mourir au fil du temps. Ils sont, en quelque sorte, devenus les «cimetières des arts». De quoi parle-t-on ? Ou du moins qu’avons-nous fait pour que nos musées ne suscitent plus l’engouement des citoyens ou que les fidèles d’antan ne daignent plus prendre la peine de les visiter ? Relégué au dernier échelon des préoccupations des citoyens, le musée est avant tout une institution culturelle qui reste, toutefois, pour beaucoup de gens, un univers inconnu et inexploité. D’autre part, il peut ouvrir, pour d’autres, des horizons insoupçonnés sur leur propre patrimoine et sur celui des civilisations passées. C’est ainsi que dans les pays européens, les visiteurs doivent payer un tarif assez élevé pour visiter un musée, alors qu’en Algérie, on est loin d’assister à la cohue malgré le prix dérisoire de 10 à 20 DA le ticket. Pour tenter de savoir pourquoi ce désintérêt total, nous nous sommes rapprochés de quelques citoyens. Certains d’entre eux nous ont déclaré que cela est dû au manque d’une tradition culturelle bien ancrée au sein de la société. D’autres ont préféré généraliser et se sont plaints du manque total de loisirs et de lieux dignes d’être visités. Concernant les étudiants et autres écoliers, le désintérêt peut, certes paraître anodin, mais leur curiosité demande à être stimulée par la prise d’initiatives dans les différents établissements scolaires qui ne sont pas légion à programmer des sorties consacrées à la visite des musées. A cet effet, un citoyen accosté dans une rue de la capitale du côté du centre- ville, nous dira : « Ce sont des penchants qui se cultivent dès la jeunesse, voire même depuis l’enfance. On ne peut pas obliger quelqu’un à s’intéresser aux musées à l’âge adulte». Ainsi, pour lui, les musées peuvent non seulement éveiller la beauté, la richesse et la culture d’un pays mais aussi changer l’aspect de la ville. Il citera à titre d’exemple le musée du Louvre. «Ce musée a une haute fonction culturelle, pas comme nos musées». souligne-t-il. Toutefois, une autre citoyenne, une quadragénaire, nous dira : « A vrai dire, les musées ne font plus partie de mes plans de sortie depuis des lustres». La cause est, selon elle, due au non-respect des visiteurs des lieux, et le manque de nouveautés. « Je trouve que nos musées sont très beaux, mais ils ont l’air abandonnés», nous dira une mère de famille accompagnée de ses enfants. « Il y a aussi les ruines romaines qui font partie du patrimoine archéologique. Ces dernières sont d’une richesse exceptionnelle, mais le gouvernement les laisse dépérir d’année en année ».

A la conquête du visiteur
En ce beau matin de novembre, nous nous sommes rendus aux deux musées du Moudjahid, situés dans l’enceinte même de Riadh El-Feth. Ces derniers n’accueillent plus beaucoup de monde malgré un rangement bien soigné et des vitrines organisées. Ce qui n’empêche pas ces maisons d’art de chômer en prenant des allures de cavernes où ne résonne que le creux du vide. Pourtant, ici, l’on retrouve des chars, des blindés et même des avions à perte de vue, de quoi ravir les amateurs. Ces deux musées ne font pas exception à la règle, puisque peu de gens viennent les visiter. Il faut dire que les rayons consacrés à la Guerre d’Algérie ne semblent intéresser personne. Arborant des reliques du 18è siècle, du temps de l’Emir Abdelkader, jusqu’à l’Indépendance en 1962, le deuxième musée du Moudjahid, ce bâtiment en forme de sous-terrain, bien que très joli, n’a rien de spectaculaire pour les citoyens, sauf peut-être, pour la vieille génération. Pour avoir plus d’informations et nous faire une idée qui soit la plus précise possible, nous avons également sollicité le musée du Bardo et le Musée national des Beaux-arts d’Alger. Le premier est fermé pour travaux de restauration, tandis qu’au niveau du second nous avons trouvé les portes closes sans que l’on sache les raisons.

Manque de programme de visites
Il y a plein de musées différents et tous font l’objet d’une attention toute particulière. Ainsi, au musée des Antiquités et de l’art islamique, sont conservées des statues et des fresques datant de 2 500 av. J.-C. Peu de citoyens se donnent pourtant la peine de contempler ou de s’attarder devant elles. « On est loin de concurrencer le musée du Louvre mais tout de même, il faut reconnaître que nos musée sont petits et vides ! » Nous expliquera un jeune. Ce que nous avons pu remarquer, c’est qu’il n’y a que les visites formelles des diplomates étrangers de passage en Algérie qui égaient les musées. De ce lieu chargé d’histoire, les visiteurs ne pourront que sortir remplis de savoir.

« Rénovation oui, mais pour quel public ? »
Les musées algériens font valoir leur besoin d’exister et d’être respectés en ayant recours à la rénovation. Le premier public de ces derniers demeure un public précis, à savoir des chercheurs et des universitaires, mais aussi les passionnés d’histoire et d’archéologie. C’est ainsi qu’en 2011, le directeur de la conservation et de la restauration du patrimoine culturel avait déclaré que l’Algérie avait besoin d’expertise en la matière et une remise à niveau. C’est dans ce cadre qu’un accord de coopération touchant le domaine de la muséographie a été signé en cette même année à Alger entre le ministère de la Culture et le musée archéologique allemand «Badisches Landesmuseum» de la ville de Karlsruhe. Cet accord tient à apporter une expertise «pédagogie marketing» des musées pour les institutions muséales en Algérie. C’est en présence de la ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, et l’ambassadeur d’Allemagne à Alger, Mme Jutta Wolke, que l’accord a été signé par le directeur de la conservation et de la restauration du patrimoine culturel, M. Mourad Bouteflika, et le directeur du musée allemand, M. Harald Siebenmorgen. Mourad Bouteflika avait également déclaré que pour rendre les musées encore plus attractifs, une remise à niveau était nécessaire.

Les manuels scolaires n’apprennent rien à nos enfants
Inauguré en 1897, le musée des Antiquités et des arts islamiques est le plus ancien en Algérie. Installé dans une ancienne bâtisse, ce bâtiment se distingue par son architecture qui est du 18è siècle. La première salle, celle du bronze, est consacrée aux objets découverts sur les sites archéologiques d'Algérie. Nous passons, par la suite dans la salle des marbres. Ici, nous trouvons les statues de Vénus et Neptune. Sur les murs nous contemplons des mosaïques et des fresques qui racontent la mythologie, Achille et les amours de Jupiter, ainsi que la représentation de la chasse au sanglier. Selon Nadia Kharici, guide du musée, les visites se font de plus en plus denses, notamment en période de vacances. « Beaucoup de touristes étrangers ainsi que des visites officielles viennent égayer le musée », a-t-elle déclaré tout en ajoutant, « nous accueillons beaucoup d’écoliers dans le cadre d’une sortie organisée par leur établissement ou qui viennent parfois accompagnés de leurs parents ». Mais cela reste insuffisant, selon une mère de famille qui ajoute aussi, « je suis triste parce que l’un de mes bonheurs dans la vie, c’était de passer des moments agréables dans ce lieu qui est l’un des plus beaux au monde ». Mais inculquer la culture des musées à notre jeune génération, n’est pas une tâche facile. A noter que la bâtisse abrite un autre bâtiment consacré aux arts islamiques.


L’interdiction de prendre des photos bloque les visiteurs
Placardée à l’entrée de tous les musées, la plaque d’interdiction de photographie, agresse la vue. Passant des musées d’arts contemporains pour s’étendre à l’ensemble des musées, la prise de photographie qui était seulement soumise à contrôle, est désormais purement interdite. Enfin, nous voudrions attirer l’attention sur un point qui n’est que peu pris en compte, à savoir l’importance éventuelle d’une prise de photo par le visiteur. Certains musées prohibent tout usage d’appareil photographique et encore plus l’usage du flash. Ils vont jusqu’à confisquer les portables et les appareils photographiques à l’entrée. Pourquoi l’usage de la photographie dans un musée ou lors d’une exposition est-il interdit ? Les responsables argumentent cela par le souci de préservation des tableaux et des reliques qui doivent jouir d’une bonne conservation. Cette raison avancée convainc rarement les visiteurs, qui peuvent mal prendre la chose. « Nous ne voulons pas nous approprier les œuvres, ce n’est qu’un geste machinal », dira un jeune rencontré dans un des musées. C’est ainsi que certains établissements donnent des autorisations sous conditions, à toute personne, auteur ou autre, désireuse d’utiliser les photos dans son recueil. Il lui faudra s’enregistrer sur un cahier spécifique et signer des décharges contre toute utilisation ultérieure susceptible d’apporter du tort aux conservateurs soucieux de la gestion de leurs collections. Ahmed El Rifaâi, muséologue au musée national des Antiquités et des arts islamiques, dira à ce sujet : « Lors de sa visite de ce lieu, le citoyen veut garder un souvenir, que ce soit par un enregistrement auditif ou photographique. Les moyens de communication actuels permettent désormais à chaque visiteur possédant un téléphone portable de prendre des photos, que ce soit de façon légale ou non. De par ma grande expérience dans le domaine de la muséologie, j’estime que cette décision est tout à fait irréaliste. Je trouve cela inconcevable, les gens aiment prendre des photos devant des reliques et garder de bons souvenirs avec les membres de leur familles ». D’autres craignent cependant que les clichés pris ne soient utilisés à d’autres usages que la stricte jouissance familiale. Pour le public, cela suscite de l’incompréhension. Pour un touriste, visiter un musée et repartir sans un cliché des reliques ou des peintures, peut effectivement être synonyme de frustration. Cette mesure est pour le moins surprenante et laisse sceptique, notamment à l’heure où le flash n’existe pratiquement plus. Rappelons que les téléphones portables sont à présent munis d’appareils photos et qu’il est par conséquent peu raisonnable de prétendre faire respecter l’interdit. « Les gens peuvent facilement faire semblant de passer un coup de fil, alors qu’en réalité, ils sont en train de prendre des photos ». Les visiteurs tiennent avant tout à immortaliser leur passage. Prendre une photographie devient ainsi un véritable réflexe à tous les âges, particulièrement chez les jeunes générations. Les réponses de notre muséologue, attestent, de ce fait, d’une décision partiellement réfléchie et prise également d’une façon autoritaire et irrationnelle. Sans doute par crainte des éventuels tracas judiciaires en cas d’utilisation : « La personne qui envisagerait d’utiliser les photographies pour un but bien précis, doit impérativement avoir une autorisation au préalable », déclare notre interlocuteur.

Comment attirer les visiteurs ?
Ahmed Rifaâi, inspecteur des reliques historiques au musée national des Antiquités et des arts islamiques au boulevard Krim Belkacem, nous a déclaré que les muséologues « doivent apporter une meilleure vision de ce que recèlent les musées comme reliques, mais aussi préparer des expositions spécialisées pour attirer les personnes ». Les expositions, dira-t-il, sont des occasions en or, pour drainer plus de visiteurs. Interrogé sur la cause du désintérêt des Algériens envers les musées, il nous dira que les deux parties, autant les muséologues que les citoyens, sont responsables. Il dira à cet effet, « nous, en tant que muséologues, avons un devoir, et c’est celui d’apporter tout ce dont a besoin le visiteur ». Selon notre expert, les visiteurs doivent être bien accueillis car cela compte beaucoup. Toujours selon lui, les médias aussi doivent contribuer à inculquer la culture des musées. « L’histoire, ainsi que l’héritage culturel, sont très importants, nous savons aussi que le pays qui n’a ni histoire ni passé n’aura pas de futur», a-t-il dit. En outre, il dira que les établissements scolaires doivent ajouter des recueils historiques dans le programme des écoles pour sensibiliser les étudiants aux visites des musées. Lieu où l’on amène des amis étrangers pour découvrir ou redécouvrir notre patrimoine, les musées sont des portails des villes compris dans chaque agenda d’agences de voyages. Pour les amateurs de musées, cela peut être une source de renaissance. Toutefois, il faut dire que les citoyens noyés dans leurs tracas quotidiens, ont d’autres priorités que la visite des musées. Serait-ce la faute au ministère de la Culture qui s’est employé ces dernières années à faire disparaître des manuels scolaires, les grands personnages de l’histoire de l’Algérie ? Ou serait-ce la faute à notre politique culturelle et muséale qui a pour priorité formelle, de mettre en valeur le patrimoine des villes et les grands personnages qui les ont construites ? Les muséologues diront que le flux de visiteurs est en deçà de ce qui est espéré, mais il n’en demeure pas moins, que la tendance est observée chez les écoliers et les universitaires. Des millions de dinars sont dépensés dans des travaux de rénovation de ces lieux perçus comme le capital matériel et immatériel de tout un pays. Le citoyen est toujours prêt à pique-niquer ou à faire de longues heures de ballades. Mais concernant la visite des musées et des sites historiques, il est souvent un grand absent. S’annonce alors la conquête de la fidélisation du public. Les statues, fresques et tableaux attendent patiemment les visiteurs.


Musée El Moudjahid de Bordj Bou-Arréridj
La wilaya de Bordj Bou-Arréridj compte plusieurs monuments historiques. Le musée du Moudjahid est un monument récent qui offre l’avantage d’allier modernité et histoire, d’autant plus qu’il est situé sur un lieu chargé de symboles. Près de la porte de Zemmoura qui était un des accès de la ville de Bordj Bou-Arréridj, la gendarmerie française avait installé sa brigade. La structure qui était censée assurer la sécurité des citoyens est devenue un haut lieu de sévices. Beaucoup de Moudjahidine ont été torturés dans les locaux qui ont été rasés depuis. Il était un espace sinistre craint par les Algériens qui évitaient de passer à proximité. Il formait avec la caserne des spahis qui lui était mitoyenne, un territoire maudit.
Le Musée El-Moudjahid de Tizi Ouzou honore la mémoire de cinq frères martyrs C’est le Musée El-Moudjahid de Tizi-Ouzou et l’Organisation nationale des Moudjahidine de la même wilaya qui, conjointement, ont organisé au mois de juin dernier au niveau du siège de la première institution citée, une manifestation en hommage à la mémoire de cette fratrie. L’hommage était destiné, officiellement à la mémoire du martyr Moh-Saïd, un Novembriste. Le premier Novembre 1954 à zéro heure, Moh-Saïd Chekroun, à l’instar de nombreux combattants kabyles placés sous le commandement d’Amar Ouamrane, attaqua les forces coloniales à Blida, identifiée alors comme wilaya IV. Aussi, ce matin, la grande salle du Musée El-Moudjahid était pleine à craquer de monde. Il y avait des Moudjahidine dont les compagnons de feu Moh-Saïd Chekroun, des veuves de Chouhada, des enfants de Chouhada et ceux de Moudjahidine, ainsi que des personnalités de divers horizons. Il va sans dire que les membres de la famille de ces cinq martyrs étaient venus en force à Tizi Ouzou. Parmi eux, se trouvaient leurs deux frères, Arezki et Hand. Hand est aujourd’hui nonagénaire.

Le musée du Moudjahid d’El Tarf
A El Tarf, le musée du Moudjahid constitue la mémoire de toute cette région dans l’extrême Est du pays, dont le cheminement, durant la lutte armée, est constellé de hauts faits d’armes. Cette infrastructure dédiée au souvenir, réalisée durant les années 1990 au centre du chef-lieu de la wilaya d’El Tarf, joue un rôle de premier plan dans le recueil de témoignages des Moudjahiddine et des citoyens qui vécurent ou furent les témoins de faits liés à la glorieuse Révolution. L’exposition permanente occupant le hall du rez-de-chaussée du musée, comprend des centaines de photographies des héros de la Révolution. Des héros de la wilaya d’El Tarf ou venus d’autres régions du pays pour rejoindre les rangs de l’Armée de libération nationale (ALN). Le visiteur peut également y découvrir tout un arsenal de guerre composé de divers types d’armes à feu, de munitions, d’obus, ainsi que des équipements de télécommunications et des habits utilisés par les Moudjahidine. Au centre, trône le premier drapeau algérien hissé à Hammam Beni-Salah, le jour de l’Indépendance nationale.

Hiba Benfarès


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