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AMMAR KESSAB, EXPERT EN POLITIQUE CULTURELLE, À L'EXPRESSION
Entretien par Hind O. L'Expression. 02.02.2012

«Il faut que l'Etat lève la main sur les actions culturelles», affirme notre Docteur en sciences de gestion, mais aussi expert en management et politique culturelle auprès de plusieurs organismes internationaux. Au cours de l'année 2011, Ammar Kessab a notamment participé à l'élaboration de la politique culturelle de la République du Bénin et celle de la ville de Montreuil en France, ainsi qu'à l'établissement du Fonds africain pour les Arts et la Culture dont il dirige le projet depuis Le Cap, en Afrique du Sud. Aux côtés d'autres intervenants, il sera samedi prochain, au siège de l'association SOS Bab El Oued pour discuter la feuille de route sur la politique culturelle en Algérie, déjà entamée, l'an dernier.

L'Expression: Tout d'abord, devrions- nous poser la question, «quelle politique culturelle en Algérie?» ou quelle «nouvelle politique culturelle en Algérie?», cela suppose un renouveau, une révolution dans les mentalités, l'accès au privé, pensez-vous réellement que c'est possible?

Ammar Kessab: Une politique culturelle est la définition de la culture comme dictée par les comportements culturels de citoyens à travers leurs actions et expressions artistiques et culturelles. Elle s'écrit noir sur blanc dans un cadre légal et est l'ensemble des techniques opérationnelles qui permettent son application effective pour la réalisation des objectifs de l'Etat en matière de culture et l'effectivité de l'action culturelle de la société civile. Ainsi, il n'existe pas de politique culturelle en Algérie pour parler d'une nouvelle politique culturelle.
Par ailleurs, une politique culturelle n'est autre qu'une politique publique qui ne nécessite aucun renouveau et aucune révolution des mentalités: c'est plutôt l'objectif d'une politique publique de provoquer le renouveau et le changement des mentalités. C'est donc le ministère de la Culture qui est censé la concevoir et la mettre en oeuvre. Et comme justement cet agent du pouvoir gouvernemental ne veut pas la faire, un groupe de travail sur la politique culturelle en Algérie, issu de la société civile, a décidé de prendre les choses en main. Nous nous rencontrons donc pour la deuxième fois samedi prochain 04 février, à 15h, au siège de l'association SOS. Bab El Oued pour approfondir les discussions sur la feuille de route déjà entamée.

Le budget alloué au secteur de la culture a diminué cette année (à 14%) sans doute au profit des activités liées aux préparatifs de la célébration du cinquantième anniversaire de l'Indépendance... Que cela vous inspire-t-il?

Le budget de la culture a en effet baissé après qu'il ait atteint le record historique de 450 millions de dollars en 2011 (budget de «Tlemcen capitale de la culture islamique» inclus), soit le plus grand budget en Afrique et dans la région arabe. Cette baisse est un coup dur pour la stratégie d'hégémonie du ministère de la Culture, qui, à mon avis, devra réduire une partie de ses activités qu'il a «institutionnalisées» en masse. Si le budget continue à diminuer les deux prochaines années, ça sera sans doute l'effondrement du secteur culturel «officiel» avec toutes les conséquences qui vont avec...cela ressemble beaucoup à ce qui s'est déjà passé au début des années 1990.

Parlons des lois relatives au secteur culturel en Algérie, que pensez -vous de cet article sur la loi sur le cinéma stipulant notamment que tout film historique doit bénéficier de la «baraka» du ministère des Moujahidine?

En tant qu'expert international, je ne m'intéresse pas dans mon travail aux détails, mais je considère les problèmes dans un ensemble général, un tout. L'art est une matière sensible, une flamme fragile qui s'éteint dès qu'on la touche avec les doigts. De ce fait, aucun élément extérieur au processus de création ne doit intervenir au risque de se retrouver avec des produits -je ne dirai même pas artistiques- médiocres qui ne toucheront en aucun cas les citoyens. Il faut que l'Etat lève la main sur les actions culturelles, ministère des Moudjahidine ou autres.

On parle de mécénat et sponsoring pour le financement des activités culturelles, ces dernières sont souvent hélas tributaires d'une condition incontournable, la forte visibilité pas toujours en adéquation avec le monde de la culture mais plutôt avec celui du divertissement à grosse rentabilité, y croyez-vous?

Votre affirmation n'est qu'à moitié vraie, en ce sens où le mécénat et le sponsoring ne sont pas que ça. Ils peuvent certes l'être, mais dans un seul cas: quand l'Etat ne régule pas l'activité et est absent. Ce problème ne se pose pas par exemple au Brésil, où les grandes entreprises financent des écoles de musique dans les favelas et construisent des théâtres dans les zones les plus reculées.
Cela n'aurait jamais été possible sans une politique culturelle nationale forte de l'Etat du Brésil qui, sons l'ère Lula, a imposé à tous les grands groupes de se doter d'un «service culturel» qui finance directement l'activité culturelle, avec des cahiers des charges limitant l'utilisation abusive de la publicité, etc. Donc voyez-vous, c'est une question de politique publique forte.

L'effort étatique fourni à l'égard de la culture est souvent lié à des événements sporadiques «Année de l'Algérie en France», «Alger, capitale de la culture arabe», le Panaf, etc.), que faut-il faire pour élargir l'action à des manifestations plus systématiques qui sortent du cadre officiel?

Il faut miser sur le secteur indépendant. La stratégie hégémonique du ministère de la Culture n'est pas viable. Il faut encourager la création d'associations et de collectifs artistiques et culturels, leur ouvrir les espaces publics, renforcer leurs capacités et les financer. Seul un secteur culturel indépendant est capable d'animer durablement la scène culturelle, et est capable de toucher le citoyen qui n'a pas forcément accès à la culture. D'accord, toutes ces manifestations étaient utiles, un moment donné, surtout que l'Algérie avait besoin de redorer son image dans le monde, après une décennie sanglante, mais maintenant, il est urgent de changer radicalement de cap: commençons d'abord par doter notre pays d'une politique culturelle.

Quand cette feuille de route sera prête, comptez-vous la déposer auprès de la ministre de la Culture Khalida Toumi?

La feuille de route n'est pas destinée à une personne ou à une autorité particulière. Elle est un effort sincère d'un groupe d'intellectuels et d'experts algériens qui souhaitent doter leur pays d'une vraie politique culturelle. La feuille de route sera disponible sur Internet, libre aux institutions et aux personnes qui veulent l'exploiter de le faire. Elle constituera par ailleurs, une source référence pour les acteurs du secteur culturel en Algérie pour défendre leurs droits auprès des institutions internationales auprès desquelles l'Algérie a ratifié ou signé des textes contraignants.

Une rencontre, une deuxième, et après...?

Une troisième, une quatrième puis une cinquième et dernière rencontre, qui coïncidera, nous espérons, avec le cinquantième anniversaire de l'Indépendance de l'Algérie, le 5 juillet 2012. Ce jour-là, la feuille de route sera officiellement diffusée.
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