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Les APC et la vie culturelle : La culture commune
Par : Ameziane Ferhani. El Watan. 13.03.2010

Le monde traditionnel était culturellement plus riche que nos communes actuelles. Quelle place le futur code communal accordera-t-il à cette dimension ?

Pendant des siècles, les unités territoriales de vie en Algérie (villages, dechrates, quartiers des anciennes cités et autres types d’agglomérations), disposaient de traditions solides qui constituaient le terreau d’une riche animation culturelle. Il n’est pas une région du pays qui ne possédait ses propres fêtes, mouassem, formes d’expressions et arts, présents au niveau de la moindre concentration humaine. Tout cela assurait, selon un rythme périodique soutenu, des relations sociales intenses, y compris dans les étendues nomades, ainsi que des passerelles d’échange et de désamorçage des conflits. La culture reste en effet le plus formidable accélérateur de convivialité que l’homme ait inventé.

Dans ce monde traditionnel, que certains continuent à considérer comme archaïque, voire arriéré, il existait une vision de la culture, de loin supérieure à celle que nous pouvons trouver aujourd’hui, quand nous en trouvons une… L’organisation de la « chose culturelle », liée aux rites religieux, aux coutumes locales ou à des traditions spécifiques, était si avancée qu’elle s’appuyait même sur des formes de mécénat. Les rivalités ne se résolvaient qu’exceptionnellement par l’affrontement physique. Ordinairement, on avait recours à une concurrence culturelle intense. Sur les Hauts Plateaux, on se disputait les chanteurs et « diseurs » (gouals ou meddah), tandis qu’en Kabylie, comme le signalait Mouloud Mammeri dans son étude sur la poésie ancienne, les bardes étaient pris en charge à l’année par des tribus ou villages pour louer leurs vertus ou vilipender leurs ennemis.

Les unités socio-territoriales agissaient comme des souverains entretenant leurs artistes et l’on assistait à de véritables enchères, chacun voulant le meilleur poète, ou même, à des joutes littéraires. On trouvait partout en Algérie des formes plus ou moins élaborées de ces pratiques, aujourd’hui disparues ou déformées ou réduites à des aspects folkoriques.

C’est dire combien les unités territoriales actuelles sont en retard sur leurs aïeules, du point de vue de l’intérêt envers les expressions culturelles. Inutile de revenir ici en détail sur les ravages d’une colonisation qui, d’une manière particulièrement rare, s’est acharnée à détruire les structures socioculturelles traditionnelles. Il suffit d’évoquer, entre autres, l’interdiction, dès les débuts de la colonisation, des corporations d’art, chaque corps de métier étant auparavant organisé avec son diwan (conseil) et son oukil (secrétaire général). Après l’indépendance, une « modernisation » mal conçue et mal appliquée a accru les effets d’abrasage culturel. Dans le monde traditionnel, les fêtes familiales et les manifestations populaires collectives n’étaient pas contingentées. Tout le monde était invité partout. La distinction entre l’espace privé et public n’existait pas, ou alors très peu, du fait des réseaux de parenté et du caractère quasi-sacré du voisinage.

Les individus étaient liés par des parentés et alliances nombreuses et denses. Dans les communes actuelles, à l’exception peut-être de celles des milieux ruraux ou semi-ruraux, les populations sont structurées en familles nucléaires aux origines et niveaux socioculturels dispersés. A cette perte de lien, correspond une perte de sens. Et la forme « moderne » d’organisation de la commune n’a pas généré de véritables liens, sauf peut-être celui de la houma dans les grandes villes, lui-même en perte de vitesse. Un nouveau code communal doit voir le jour à partir de la révision de l’ancien. Le mois dernier, le ministre délégué chargé des Collectivités locales affirmait à la radio que ce projet était encore à l’étude. Les débats et écrits autour du nouveau code se focalisent sur les dimensions politiques et économiques. Mais à ce jour, son aspect culturel n’a pas été abordé. Pourtant, toutes les expériences dans le monde soulignent la dimension culturelle de la citoyenneté. L’actuel code, vieux de 43 ans, fait-il cas de la culture ?

Signée par le président Boumediène, l’ordonnance 67-24 du 18 janvier 1967, portant code communal, « fixe également à la commune, dans le domaine social et culturel, des responsabilités précises » (exposé des motifs). L’article 1er définit la commune comme « la collectivité territoriale, politique, administrative, économique, sociale et culturelle de base ». Le souci culturel est donc affirmé d’emblée, même s’il figure en fin de liste. Plus concrètement, l’APC veille « à la sauvegarde et à la mise en valeur des monuments et sites naturels et historiques » (art.149). Les communes et groupements de communes peuvent être érigés en stations classées lorsqu’elles comprennent « un ensemble de curiosités naturelles, pittoresques, historiques, culturelles ou artistiques » (art. 151).

Seul article à placer en tête la préoccupation culturelle en tête, l’article 159 donne aux communes la possibilité de « création de toute œuvre susceptible de contribuer à la satisfaction des besoins culturels, sanitaires et sociaux des habitants ». L’APC est également chargée d’exploiter, pour le compte de la commune, toutes salles de spectacle situées sur son territoire et de veiller à leur bon entretien (art. 163). L’article suivant enjoint l’APC de « contribuer à l’épanouissement culturel des habitants de la commune, en favorisant la création de moyens de formation artistique, théâtrale et musicale et en développant le folklore ». En outre, dans le cadre du bon fonctionnement des services communaux, le président de l’APC est chargé aussi d’administrer les bibliothèques et musées de la commune (art. 227).

Une générosité apparente

On constate que le code de 1967 n’a pas exclu la question culturelle. Il confie aux APC des missions globales (épanouissement culturel des habitants) et des taches parfois précises (monuments, sites, salles de spectacles, bibliothèques, musées). Mais il est peu disert sur les modalités pratiques, à l’exception de deux articles plus ou moins liés à la culture. Les APC peuvent « former des commissions permanentes ou temporaires pour étudier les questions qui intéressent la commune sous leurs divers aspects », ce qui inclut les « affaires culturelles » (art. 94). De plus, pouvaient participer, à titre consultatif, à ces commissions, les habitants de la commune « en raison de leur profession et de leur activité ».

Ainsi, ce code est-il resté attaché à de vagues préconisations sans responsabiliser clairement les APC sur leur rôle culturel. Mais ne peut-on pas en dire autant de leurs autres rôles, souvent vitaux ? A l’épreuve du terrain, le souci culturel du code est apparu plus comme une forme de générosité apparente. De plus, le mode d’élection sous le parti unique a enraciné un mode de fonctionnement et un style de gestion communale fondés sur le dédain de l’intérêt public et dont le multipartisme ne nous a pas débarrassé. Il est révélateur d’ailleurs que le code de 1967 parle de « populations » et « d’habitants de la commune » sans qu’une seule fois le nom de « citoyen » ne soit évoqué. Or, aussi bien le concept de commune que celui de culture ne peuvent se matérialiser sans une citoyenneté reconnue. Habiter une commune signifie disposer d’une résidence sur son territoire. En être citoyen suppose à la fois des droits, des devoirs et, ce qui ne va pas sans, une conscience reconnue.

Le code a pourtant permis, dans certains cas, trop rares mais existants, de développer des actions culturelles en recourant aux dispositions précitées. Nous avons présenté dans ces colonnes les expériences méritoires de plusieurs APC. Celle de Maghnia qui a financé la restauration de l’église en ruine pour la transformer en centre d’arts plastiques avec une galerie gérée par le collectif des peintres locaux. Celle d’Oran qui a confié deux bibliothèques à l’association le Petit Lecteur. Celle d’El-Flaye qui a cédé l’ancien siège de la mairie à une bibliothèque très active. On peut citer aussi l’APC d’Alger-Centre qui dispose de deux salles de cinéma (L’Algéria et l’ABC) et s’efforce d’aider les associations. Ou encore le Comité des activités culturelles de l’APC de Constantine qui se signale par quelques belles actions. Ou enfin l’APC de Sétif, ouverte aux associations, et qui gère, entre autres, le théâtre municipal.

Il existe d’autres exemples mais ils ne sont pas légion car en fait, le code a laissé à la sensibilité et au bon vouloir des élus le fait ou le non fait culturel. L’épisode des APC liées au FIS (celle de Bordj Bou Arreridj fermant la salle de la cinémathèque par exemple) a confirmé cette fragilité. L’indigence culturelle de nombreux élus, une appréciation légère des priorités (« tout ce qui est culturel est un luxe »), mais aussi, il faut le dire, l’absence de moyens ou des problèmes socioéconomiques cruciaux, ont plongé la plupart des 1451 communes d’Algérie dans un vide culturel terrifiant. Ajoutons à la décharge des APC, l’absence d’impulsion verticale avec un Etat qui, pendant longtemps, n’a accordé aucune attention à la culture. Les choses frémissent actuellement. De plus en plus d’initiatives voient le jour. Mais les lettres de lecteurs que nous recevons du pays profond comme des banlieues monstrueuses des grandes villes nous servent la même litanie d’une angoisse existentielle marquée par l’absence de vie culturelle.

La possibilité d’une éventualité !

Le futur code communal doit prendre en compte la culture, non pas comme la possibilité d’une éventualité probable, mais comme une responsabilité précise des APC et une mission aussi essentielle que les autres. Ceci devrait écarter les mesures démagogiques comme la gestion des salles de spectacles, musées, voire certains sites, par des institutions qui peinent déjà à assurer correctement l’état-civil. On a vu le résultat sur ces infrastructures. L’exercice des APC au plan cul

Le développement des activités culturelles dans les communes recouvre deux enjeux essentiels. Le premier est lié à la commune elle-même, dans la mesure où un tel progrès lui permettrait de rendre la vie collective plus supportable et agréable, de susciter un sentiment d’appartenance à un cadre de vie et d’encourager l’expression des talents contre la morosité écrasante qui l’affecte généralement. Le second effet concerne la culture dans son ensemble par la mise en place d’activités de proximité, conçues et dimensionnées sur des échelles réduites et plus facilement maîtrisables puisque l’on peut identifier ave précision les besoins locaux. D’un côté donc, il s’agit de rendre les communes plus vivables et conviviales. D’un autre, il s’agit de créer un vivier national d’activités d’où peuvent émerger des expressions de qualité.

Aujourd’hui, faute de développement des industries culturelles privées et vu la défaillance de l’échelon culturel de base, la commune, les milieux culturels ne disposent que d’un seul interlocuteur : l’Etat, à travers le département ministériel concerné. La vie culturelle se trouve ainsi réduite à un face-à-face qui ne peut assurer à terme un épanouissement global de la culture, en quantité, en qualité et en diversité. Enfin, il faut considérer que « la culture dans la commune » est un excellent moyen de diffuser une « culture de la commune ».

Par : Ameziane Ferhani
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