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La ministre de la Culture, Khalida Toumi, à Liberté |
“Le Panaf sera le festival du peuple algérien”
Par : MOUNIR B. ET Malik A. A. Liberté. 24/06/2009
Si l’on ne s’attarde pas sur la beauté des boucles d’oreilles de Khalida Toumi, on pourra constater que la ministre de la Culture est en train de réussir le pari colossal de faire d’Alger la capitale culturelle de l’Afrique pour deux semaines. Pour les lecteurs de Liberté, Mme Khalida Toumi revient, à quelques jours du lancement du Panaf, sur les préparatifs, le programme, les invités de ce festival, mais surtout sur le sens et la dimension de ce festival qui nous fera renouer avec la culture et notre profondeur africaine, 40 ans après le premier festival africain. Malgré des critiques, souvent injustes, au regard du travail accompli, la ministre de la Culture nous explique les enjeux de cet événement avec franchise, sans détour ni langue de bois et un verbe acéré et provocateur. Du Khalida Toumi
pur jus.
Liberté : Madame Toumi, nous sommes à deux semaines de l’ouverture du IIe Festival culturel panafricain. Le pays sera-t-il prêt ?
Mme K. Toumi : Oui. Nous sommes prêts à recevoir le plus grand festival culturel de notre continent. Toutes les équipes sont sur le pont, mobilisées et attentives aux derniers réglages dans les moindres détails pour être à la hauteur des attentes de l’Union africaine.
Pourquoi l’Union africaine ?
Après toutes les crises qui ont meurtri l’Afrique, l’Union africaine a décidé de dire au monde que le continent est vivant, qu’il est là, présent et prêt à relever les défis d’un monde incertain et de plus en plus complexe. Quarante années après le succès du premier festival panafricain, qui était placé sous le signe de la libération, l’organisation continentale a placé ce Panaf sous le signe de la renaissance. Et pour ce faire, elle a choisi sa plus belle carte de visite, c'est-à-dire sa culture. Personnellement, je vis ce choix comme une immense fierté parce qu’il témoigne de la confiance que l’Union africaine place en notre président de la République, en l’État et en le peuple algérien. Le défi était immense, nous l’avons relevé. En découvrant que tous les arts, et pas seulement la musique, seront présents à Alger à un très haut niveau d’excellence, un diplomate en poste à Alger m’a dit que nous étions partis pour faire le Woodstock des Woodstock. Le 20 juillet 2009 au soir, le monde saura qu’Africa is back et qu’Algeria is back (l’Afrique est de retour, l’Algérie est de retour).
80 millions d’euros n’est-il pas cher payé alors que le monde entier cherche à faire des économies pour affronter la crise économique ?
Il faut rapporter les choses à leur juste proportion. Le budget du Panaf 2009 correspond à la moitié du budget d’une grosse production cinématographique américaine, comme le dernier Batman. Maintenant, à ceux que le budget du Panaf fait fantasmer, j’aimerais répondre en amie : “Vous pensez que la culture est chère ? Essayez donc l’ignorance !” Le monde sait, mais plus particulièrement les Algériens, que l’ignorance conduit à la barbarie dont les conséquences coûtent beaucoup plus cher.
C'est-à-dire ?
Le FIS à la tête des APC avait exactement les mêmes arguments que vous lorsqu’il a décidé de fermer les conservatoires, les salles de danse, de cinéma et d’interdire les concerts de musique, en prétendant que le peuple avait besoin de travail, de logement et de pain. Résultat, le peuple n’a eu ni travail, ni logement, ni pain. En revanche, il a eu droit aux assassinats et aux destructions que vous connaissez.
Tout de même, vous n’allez pas prétendre que la culture est aussi prioritaire que le logement ?
Ce que vous dites est effrayant. Pensez-vous que le 1er Novembre 1954, nos aînés se sont levés pour des logements et du pain ? Non, monsieur. Si c’était le cas, nous serions encore les indigènes de la France coloniale. Les logements et le pain s’achètent. Pas l’identité, la culture et la dignité d’un peuple.
La culture, ce n’est pas la cerise sur le gâteau lorsqu’on a fini le repas. La culture est aussi importante que l’air que nous respirons. Dans la vie, il faut savoir ce que l’on veut. Dans les années 1980, après le contre-choc pétrolier, le gouvernement d’alors a commencé par sabrer les budgets alloués à la culture présentée comme un luxe. Le résultat, on le connaît : des années de larmes et de sang. La culture, c’est ce qui permet à l’être humain de s’élever au-dessus de sa condition d’animal pour devenir un homme capable de penser, de s’interroger et de se projeter. Ainsi, en ces temps de crise économique, c’est tout à l’honneur du président Bouteflika de continuer d’exiger tous les jours que ce deuxième festival panafricain soit à la hauteur des ambitions de notre continent.
Pourtant, cela ne se passe pas comme cela à l’étranger…
Je vous donne une information que vous pouvez vérifier. Un dossier y a été consacré dans un quotidien français. Depuis le début de la crise financière qui touche le monde entier, le seul secteur qui n’a pas connu de récession, mieux, qui a connu une croissance, c’est la culture, notamment le livre et le cinéma. Le dossier dont je vous parle précise que les gens dans les pays développés se réfugient dans la culture quand ça va mal économiquement.
Dans quel esprit avez-vous conçu le Panaf 2009 ?
Comme je vous l’ai dit, c’est le festival de l’Union africaine, c’est une œuvre collective. Dès 2006, c’est donc avec nos partenaires que nous avons conçu les grandes lignes du programme qui ont été approuvées à Alger en octobre 2008. Sur ce point, je dois remercier tous les États africains qui ont pris le message de la renaissance au pied de la lettre car les délégations que nous nous apprêtons à recevoir sont de première importance. Qu’il s’agisse de musique, de danse, de théâtre ou d’exposition, par exemple, nos compatriotes vont vraiment découvrir ce qui se fait de mieux sur notre continent en matière culturelle.
Pour les Algériens, comment cela va-t-il se dérouler ?
Un des points importants est que le Panaf 2009 n’est pas une opération commerciale. Le président de la République a, dès le départ, insisté sur ce point : tout doit être gratuit. Puisqu’il se déroule à Alger, le Panaf sera le festival du peuple algérien. En effet, il y a une minorité qui a les moyens de se payer des billets d’avion pour aller apprécier les grandes stars en Europe et ailleurs. Il y a encore ceux qui ont les moyens de payer très cher, dans nos grands hôtels algérois, des concerts de stars africaines ou algériennes. Vous me voyez très heureuse de la décision du président de la République de permettre au peuple algérien d’avoir accès aux plus belles prestations sans payer ni billets d’avion ni tickets à un prix exorbitant dans un hôtel cinq étoiles.
C’est la culture pour tous ?
Absolument. En me nommant ministre de la Culture, Abdelaziz Bouteflika m’a confié une feuille de route : mettre la culture à la portée du plus grand nombre. C’est révolutionnaire. Comme en Novembre 1954 où le chahid Larbi Ben M’hidi disait qu’il fallait jeter la révolution dans la rue pour que le peuple s’en empare, le président de la République a décidé de jeter la culture dans la rue pour que le peuple s’en empare. Je suis fière et heureuse de participer à cette ambition.
À quel type de festivités doit-on s’attendre ?
Enfin, on parle du Panaf. Vous avez vu l’affiche ? L’Afrique est un feu d’artifice. Et bien, c’est cela le programme. Tous les domaines de la culture seront en ébullition. Le livre, le cinéma, le théâtre, la danse et la chorégraphie, les arts visuels (peinture, sculpture, design, photographie d’art, art vestimentaire), le patrimoine, l’artisanat d’art, la musique, les colloques et les conférences. Sans oublier la grande parade d’ouverture le 4 juillet, le spectacle d’ouverture officielle les 5 et 6 juillet à la coupole Mohamed-Boudiaf et le spectacle de clôture le 20 juillet à la salle Atlas de Bab El-Oued.
À quel type de festivités doit-on s’attendre ?
Enfin, on parle du Panaf. Vous avez vu l’affiche ? L’Afrique est un feu d’artifice. Et bien, c’est cela le programme. Tous les domaines de la culture seront en ébullition. Le livre, le cinéma, le théâtre, la danse et la chorégraphie, les arts visuels (peinture, sculpture, design, photographie d’art, art vestimentaire), le patrimoine, l’artisanat d’art, la musique, les colloques et les conférences. Sans oublier la grande parade d’ouverture le 4 juillet, le spectacle d’ouverture officielle les 5 et 6 juillet à la coupole Mohamed-Boudiaf et le spectacle de clôture le 20 juillet à la salle Atlas de Bab El-Oued.
Précisément, cela veut dire quoi ?
Cela veut dire plus de 500 spectacles de musique et de danse avec plus de 2 300 chanteurs et musiciens et plus de 2 800 danseurs répartis sur une trentaine de scènes à Alger, d’est en ouest, sans oublier les wilayas de Boumerdès, Blida et Tipasa. Ce sont 41 pièces de théâtre mobilisant plus de 450 participants qui se joueront au Théâtre national et à la salle El-Mouggar. Ce sont 9 expositions qui accueilleront plus de 230 artistes. Ce sont 5 grandes expositions inédites du patrimoine culturel matériel et immatériel. C’est une grande fête du cinéma avec la participation de plus de 230 cinéastes. C’est aussi, parce que la fête n’empêche pas de réfléchir, 8 grands colloques et conférences programmées du 3 au 19 juillet.
Tout cela est quantitatif, mais quid de la qualité ?
Tout votre journal ne suffirait pas à détailler le programme. Il est mis à jour en permanence sur le site www.panafalger2009.dz. Quant à la qualité, laissez-moi, par exemple, vous donner quelques noms. Vous savez déjà tous qu’il y aura la diva Warda, Isabelle Adjani, Youssou N’Dour, Salif Keïta, Ismaël Lo, Houria Aïchi, Cesaria Evora, Big Ali, Kassav, le king Khaled, Aït Menguellet, Zahouania, Lotfi Double Kanon, Amazigh Kateb, Faudel, cheb Bilal, Hasna El Becharia… et tant d’autres monuments de la culture africaine auprès de qui je m’excuse de ne pouvoir tous les citer. Il y a aussi des artistes moins connus du grand public et qui se produisent dans les plus grandes salles occidentales, comme Les tambours du Burundi, le ballet du Cameroun ou les Dogons du Mali qui ne manqueront pas d’émerveiller nos concitoyens. Et cela rien que pour la musique et la danse.
Il semblerait que les artistes algériens soient les laissés-pour-compte de la programmation…
Détrompez-vous. Plus de la moitié des artistes sont algériens. Cependant, il est humainement et matériellement impossible de programmer tout le monde. En Algérie, il y a des milliers d’artistes qui ont d’autres occasions de se produire tout au long de l’année, notamment dans le cadre des festivals institutionnalisés et des tournées soutenues par le ministère de la Culture.
Vous nous dites donc qu’en quinze jours, on ne pourra pas tout voir ?
En tout cas, vous aurez un très grand choix. Une amie m’a exposé son programme du Panaf. Avec la famille, ils passeront les matinées à la plage et les journées aux colloques et conférences. Les fins d’après-midi seront consacrées aux multiples expositions. Leur problème en soirée est de savoir sur quelle place et quel concert ou spectacle de danse ils vont devoir se mettre d’accord. Ils ont le choix, donc la liberté, n’est-ce pas merveilleux ?
C’est donc toute l’Afrique de la culture qui est mobilisée pour ce Panaf ?
Cinquante et un États membres de l’Union africaine sur 53, plus les États-Unis d’Amérique et le Brésil prendront part au festival. C’est dire le respect et la considération dont jouissent notre Président, notre pays et notre peuple.
Vous avez, avant-hier, réceptionné le Village des artistes dans la commune de Zéralda. Était-ce bien nécessaire ?
N’oubliez pas que nous nous apprêtons à héberger des milliers de personnes en deux semaines. La capitale manque encore de moyens d’hébergement pour faire face à un tel événement. Ce Village des artistes, qui peut accueillir 2 500 personnes, était indispensable. Il a été réalisé en neuf mois, un temps record, par des équipes algériennes de A à Z. Toutefois, il ne sera pas démonté après le 20 juillet. C’est une construction pérenne dont l’Algérie pourra se servir pendant des années encore. Plus de la moitié du budget du Panaf Alger 2009 est consacrée à des investissements dont les Algériens pourront bénéficier après le festival. Ainsi, toutes les bibliothèques du pays seront dotées d’un fonds de livres africains. L’État a également acquis des scènes et des sonos pour que des concerts continuent de se tenir sur l’ensemble du territoire les prochains étés. Ce second festival culturel panafricain, nous le voyons aussi comme l’amorce d’une nouvelle dynamique du redéploiement de la culture dans notre pays.
Un premier cas de grippe A vient d’être décelé en Algérie. Faut-il dans ce cas maintenir le Panaf ?
Je suis sidéré de voir combien toutes les excuses sont bonnes pour essayer d’empêcher les Algériens de faire la fête. Nous avons l’impression que pour certains, notre peuple est à perpétuité condamné à la morosité, à l’ignorance et à l’ennui. L’organisation du Panaf est l’affaire de tout l’État algérien. Tous les ministères, toutes les institutions, tous les corps de sécurité sont depuis des mois sur le pied de guerre pour faire de ce rendez-vous le feu d’artifice tant attendu par les Africains et les Algériens. Grippe A ou pas, le ministère de la Santé était déjà mobilisé pour assurer une parfaite couverture sanitaire et médicale du festival. Que voulez-vous ? Mettre le pays en quarantaine ? Si c’est votre objectif, vous n’avez pas besoin de prendre l’excuse du Panaf pour le faire.
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