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Nouri Nesrouche de l’association Limma, initiatrice et organisatrice de l’exemplaire festival Dimajazz, déclare : |
Nouri Nesrouche de l’association Limma, initiatrice et organisatrice de l’exemplaire festival Dimajazz, déclare :
«L’aide à la création est sélective»
Entretien réalisé par : A. Lemili. La Tribune (27/12/2007)
Si l’on devait parler des difficultés que peuvent rencontrer les artistes en matière d’aide à la création, nulle mieux que la ville de Constantine ne saurait illustrer cette cruelle absence d’intérêt à l’endroit d’activités culturelles tous azimuts auxquelles est prêtée allègrement dans les discours officiels la réputation de lien ombilical de la société avec son histoire passée,
présente et à venir. Dans la ville des Ponts, combien de gens de l’art se sont convertis ou, tout bonnement, ont préféré quitter la ville si ce n’est le pays, comme d’autres y ont tout simplement laissé leur santé, et certains ont perdu la vie et, très souvent, en raison de leur investissement dans le domaine.
L’association Limma est, à son tour, le parfait exemple du parcours du combattant pour des artistes qui veulent réaliser des choses et, surtout, les faire bien. Il aura fallu quand même à l’équipe près de sept ans pour obtenir une reconnaissance officielle mais il lui aura également fallu laisser «sur le carreau» deux de ses hommes que nous ne qualifierons pas de plus actifs, en ce sens qu’au sein de cette association tout le monde est une cheville ouvrière. L’un de ses membres et tout autant chargé de la communication, N. Nesrouche nous en parle
Jeudi 27 Décembre 2007
La Tribune : Pourriez-vous, en substance, revenir sur la première expérience de l’équipe… En fait, des conditions d’organisation de son premier festival, sachant que c’était vraiment un défi hors normes eu égard au peu d’empathie que vous témoignaient ceux en charge de la culture ?
Nouri Nesrouche : Notre première activité date du mois de mai 2000. Elle consistait en un festival avec des groupes de rock et de rap de Constantine réalisé avec le concours du CCC (Conseil consultatif culturel) lequel nous avait, à l’époque, accordé une subvention de vingt (20) millions de centimes. Il nous a fallu des tonnes d’ingéniosité pour gérer un tel «pactole» et, plus particulièrement, mener à terme notre action.
Pour le festival de l’année qui a suivi Limma 2001 rehaussé par la présence de groupes invités avec, entre autres, Gnawa diffusion, c’est avec le concours d’une boîte privée installée dans les hauteurs de la capitale.
Une fois les lampions éteints, ladite boîte s’est évaporée dans la nature en omettant, évidemment, de s’acquitter des frais d’hébergement et de restauration pour lesquels elle s’était engagée.
Pourtant, nous croyons savoir que, contrairement au chat échaudé qui craint l’eau froide, ce faux bond d’un bailleur n’a pas servi de leçon à Limma puisqu’on retrouve pratiquement la même boîte lors du festival de jazz de 2003...
Nous vous le concédons, sauf que nous n’avions pas assez de marge de manœuvre et encore moins de personnes ou organismes prêts à mettre la main à la poche et nous aider. Nous n’irons pas jusqu’à dire que l’équipe était naïve mais il lui fallait, malgré tout, trouver de l’argent et, manque de pot, c’était encore une fois la même boîte qui, entre-temps, avait changé d’enseigne. En fait, il n’y avait pas une seule solution de rechange, l’Etat, à travers le ministère de la Culture, avait du retard à l’allumage pour débloquer une subvention en raison, sans doute, de la lenteur dans la mise en marche des mécanismes. Même sans cela, il y avait quelque part un semblant d’avarice sinon peu de propension à prendre en charge une activité évènementielle dès lors qu’elle ne se déroule pas dans la capitale. Nous ne disposions, sur le coup, d’aucune quelconque garantie de mobilisation d’un financement. A contrario, il y avait énormément de volontarisme, beaucoup de naïveté, certes, dans tout ce que nous entreprenions…
C’était indubitable. Malheureusement, l’expérience avec cette boîte privée a encore eu un triste épilogue et s’est, cette fois-ci, terminée dans un prétoire de tribunal.
Et, là, vous avez définitivement compris qu’il fallait à Limma moins de dilettantisme pour ne pas dire plus de professionnalisme...
Forcément, et en 2004, pour la deuxième édition du Dimajazz il y avait moins de pression, moins de stress, parce que nous disposions d’un relatif confort financier compte tenu de l’implication de l’APC dans la prise en charge d’un chapitre important des dépenses Sauf que le volume de la participation étrangère avait, lui aussi, grossi et pour cause la notoriété de l’événement qui ne se suffisait plus de sa seule réputation nationale et, partant, lui imposant un budget plus consistant qu’il ne nous a pas été possible de couvrir à la fin. Nous y sommes allés chacun avec ses ressources personnelles pour combler partiellement le reste des charges. L’autre partie a, toutefois, été honorée plus tard, voire des années après, notamment les cachets de certains artistes, qui, par amitié et parce qu’ils croyaient en notre cause, ont consenti à fermer l’œil.
A un moment et en raison de toutes ces difficultés, l’existence même du festival était compromise, l’énergie que nous n’arrêtions pas de déployer ayant été laminée à l’usure par l’indifférence à l’égard de l’association de la part des institutions de l’Etat devant agir ou existant pour cela. Mais le succès du festival a inversé le rapport de force psychologique et nous a incités, en fin de parcours, à persévérer.
Nous en sommes convaincus : il suffirait de voir la très belle affiche de Dimajazz 2005 pour comprendre que le succès étant venu et la réputation du festival consacrée, les sponsors se bousculaient au portillon...
Désolé, et n’en croyez pas un mot si d’aucuns vous l’ont juré. Effectivement, le nombre important de sponsors en bas de l’affiche laissait croire que, désormais, le festival était à l’abri du besoin. Hélas non !
Ces sponsors contribuaient à la manifestation par des apports insignifiants et qui pesaient, en réalité, roupie de sansonnet dans un événement dont le budget dépassait déjà le milliard de centimes. Il faut rendre à César ce qui lui appartient et concéder au Centre culturel français d’avoir rendu possible la richesse du menu artistique. Au même titre, d’ailleurs, que la délégation culturelle Wallonie-Bruxelles et de l’ambassade suisse, qui ont financé l’essentiel des frais des groupes venus de France, de Belgique et d’Helvétie. Heureusement que cette manne providentielle et la présence de ces contributeurs parfaits ont été reconduites pour le Dimajazz 2006 et 2007.
Le ministère de la Culture n’a pas été en reste, lui dont le concours, à partir de l’année 2005, a été à hauteur de 8% du coût du Dimajazz. L’absence de feed-back à un festival qui dépassait largement les frontières est mise à l’unanimité sur le compte de l’hostilité qu’avait l’ancien directeur de la culture de la wilaya à l’endroit de Limma. Il n’avait aucun scrupule à garder par devers sa personne ou à refouler au plus profond des tiroirs toutes les demandes formulées auprès du MC.
Et dans tout cela, qu’en était-il de l’APC ? Etait-elle encore présente matériellement et financièrement à vos côtés ?
Tout à fait, ainsi que la wilaya dont les subventions sont allées croissantes pour les deux dernières années et les facilités qu’ils nous ont accordées.
Aujourd’hui institutionnalisé, le festival est-il définitivement à l’abri ? Cela étant, il y aussi les possibilités de gros sponsoring et ce ne sont certainement pas les grosses boîtes étrangères qui brillent par leur absence dans le pays...
L’institutionnalisation du Dimajazz nous a énormément soulagés, sachant l’apport financier que cela implique.
Cela dit, le programme artistique que nous avons concocté pour mai prochain et qui défie les meilleurs festivals de jazz qui se font dans les pays du Maghreb, a pratiquement doublé le budget habituel.
Côté sponsors, nous n’avons jamais ressenti un véritable engagement des bailleurs de fonds envers cet événement pourtant majeur.
Nos déceptions se sont multipliées au fil des ans aussi bien avec les industriels de Constantine, qu’avec les investisseurs étrangers et leurs grosses boîtes implantées en Algérie.
Leur frilosité envers le sponsoring culturel est manifeste et traduit une ignorance de l’étendue et de l’intérêt même du sponsoring qui, pour eux, est beaucoup plus rentable quand il est investi dans le caritatif. L’autre blocage réside dans cette propension à financer uniquement les événements qui se passent à Alger alors que leurs produits et leur clientèle sont tout aussi développés et présents ailleurs.
A. L. |
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