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SILA : Publics. Ce qu’ils en pensent
L’anthologie des frustrations

Par : Zineb Merzouk. El Watan (01/11/2007)

Pour avoir une idée, même vague et non exhaustive de ce qu’inspire un Salon du livre aux citoyens, il suffit de cibler les lieux : les universités, les lycées, les librairies ou la rue tout simplement.

A Ben Aknoun, près du lycée Mokrani, une adolescente nous avoue : « La dernière fois que je suis allée au Salon du livre, c’était en 2005. Cette année, comme ça va tomber pendant les vacances, j’irai certainement voir ce qu’il y a de nouveau. D’autant que j’aimerai bien acheter une encyclopédie récente et peut- être quelques romans ». Un peu plus loin, un groupe de lycéens, des sourires, des « bof ! » amusés font office de réponses. « On aura tout le temps pour ça plus tard », nous dit un garçon pour en finir avec nos questions. Deux adolescentes avouent n’avoir jamais été à l’un des Salons du livre. Mais la faute incombe aux parents qui n’ont ni le temps de les emmener ni les moyens de leur acheter des livres. « Heureusement qu’il y a la bibliothèque, sinon, je n’aurais pas grand-chose à lire ! », nous dit l’une d’elles. Du côté des universités, la majorité des personnes interrogées se dit indifférente à cet événement. « Pourquoi faire ? Les ouvrages dont j’ai besoin coûtent trop cher et vu le montant de la bourse d’étudiant ! Je me débrouille comme je peux à la bibliothèque. Quant à la littérature, franchement, je n’ai pas de temps à lui consacrer », nous répond un étudiant en philosophie, à l’université de Bouzaréah. Sa camarade renchérit : « Je ne lis pas beaucoup et mes recherches, je les fais sur Internet. » Quelques jeunes sortent du lot, « Je vais au Salon du livre par curiosité, un peu pour voir ce qu’on y trouve », nous avoue un étudiant en économie à Dély Ibrahim. Ou encore : « Je fais une licence de français, donc, même si je ne le voulais pas, je n’ai franchement pas le choix ! On nous demande souvent de lire des classiques français pour une fiche de lecture ou pour un cours en particulier. Il y a trois ans, certaines éditions proposaient des remises importantes sur leurs collections d’auteurs classiques. J’avais fais le plein ! Cette année ? Oui je vais y aller, mais pas pour mes cours, je cherche des livres particuliers, notamment, des auteurs scandinaves que j’aime beaucoup et ce n’est pas évident d’en trouver. On m’a dit qu’il y en avait eu quelques-uns au Salon de l’année dernière, ceux qui ont été traduits en français, alors j’aimerais bien les acheter cette année, s’ils y sont ! »

Ce n’est plus pareil

D’autres y vont par obligation. Une jeune fille, rencontrée dans une librairie d’Alger-Centre, nous avoue n’avoir jamais mis les pieds dans un Salon du livre, « mais cette année, j’y suis obligée, parce que j’ai besoin d’ouvrages spécialisés pour mon magistère en droit international », « je n’ai jamais été à un Salon, je le ferai peut-être par curiosité, si j’ai du temps... », nous dit un jeune homme rencontré dans la même librairie. Plus loin, à la sortie d’un autre antre du livre, certains nous avouent leur hostilité vis-à-vis du Salon : « Depuis deux ou trois ans, on trouve beaucoup plus de livres religieux à caractère extrémiste qu’autre chose. L’espace réservé à ces ouvrages dangereux est immense, de même que le monde qui s’y rend ! Il n’y a aucun contrôle, surtout en ce qui concerne les importateurs. Franchement, j’ai beaucoup de mal à voir ce spectacle, d’autant qu’un peu plus loin, du côté des maisons d’éditions de littérature et d’ouvrages techniques, c’est plutôt vide ! », nous dit un homme d’un certain âge. Un autre s’indigne aussi : « Je suis un féru de littérature et de poésie arabe et on nous ramène les même livres chaque année, alors que pour les livres religieux intégristes, là, il y a un choix incroyable ! J’aimerais emmener mes enfants pour les pousser à lire, mais j’hésite beaucoup parce que même les livres pour enfants sont parfois tendancieux ». Autre coup de gueule d’un jeune homme, réalisateur de son état : « Pour moi, c’est un non-événement. On ne respecte pas assez le livre chez nous, on case le Salon du livre entre deux autre salons de pièces détachées et d’ameublement, dans une ‘’faoudha’’ (anarchie) géante, une vraie foire ! On s’éloigne complètement de l’esprit du livre, à savoir pousser les jeunes vers la lecture, donner envie aux uns et aux autres d’apprendre... Un enfant gardera du Salon le côté commercial de la chose, plutôt que celui du rêve et de l’instruction. Certains stands ont pour objectif de réaliser un maximum de ventes, alors que dans ce genre d’événements, il est nécessaire de faire des promotions pour attirer le public vers la lecture, parce que les livres sont très chers en librairie. Il ne s’agit pas de faire de gros chiffres comme le pensent certains. Le livre c’est la culture et la culture c’est une porte de sortie des crises, dont l’intégrisme. D’où, d’ailleurs, l’intérêt de surveiller de près les ventes de livres incitateurs à la haine et à la violence. » Un père de famille, un brin nostalgique, nous raconte : « Je me rappelle qu’en 1985 ou 1986, j’avais emmené deux de mes filles, l’une étudiante aux Beaux-Arts et l’autre au primaire. On était revenu avec la malle de la voiture pleine de livres. Des livres qui coûteraient une fortune aujourd’hui. D’abord, le dinar était surévalué et puis l’Etat subventionnait le livre, du coup, il ne coûtait pas cher. Il faut dire qu’on trouvait vraiment de tout. Mais les choses ont changé. Aujourd’hui, on n’achète plus sur un coup de tête, on ne fait pas de folies, on ne prend que ce qui est vraiment nécessaire et ce n’est pas toujours facile de faire un choix. L’Etat devrait reprendre les choses en main, le livre c’est l’avenir du pays. » Sa fille raconte : « Je me rappelle très bien, c’était mon premier Salon du livre, j’avais 8 ans. J’étais impressionnée de voir autant de livres et surtout de pouvoir en prendre plein. Il suffit que je tende le doigt pour qu’il soit mien ! J’avais choisi des contes et des histoires en arabe en particulier. Je garde encore deux des livres de cette fois-là, des petites encyclopédies, l’une sur les oiseaux et l’autre sur la Terre. Mais ce n’est plus pareil, on ne peut plus acheter tous les livres qui nous plaisent au Salon ! »

Un mystère impénétrable

Une jeune femme, abordée dans la rue, nous répond avec une petite moue : « Non, je ne vais pas au Salon du livre depuis plusieurs années. J’adore lire mais c’est trop frustrant de voir autant de livres et de ne pas se permettre d’en acheter. Dans le meilleur des cas, j’en prends deux… et c’est dur de faire un choix, parce que je sais que je passe à côté d’auteurs très intéressants… pour ne pas avoir mal au cœur, je préfère éviter d’aller au Salon ! » Une dame beaucoup plus âgée entend nos questions et veut y répondre elle aussi : « On ne m’a jamais poussé à lire, à mon époque, une jeune fille on l’éduque pour devenir une bonne épouse ! J’ai été jusqu’au diplôme de fin d’études, c’était déjà pas mal pour moi. J’aurais vraiment aimé avoir la chance des jeunes d’aujourd’hui, ils ne savent pas ce qu’ils perdent. J’ai tenté du mieux que j’ai pu de pousser mes enfants à se plonger dans les livres, sans y parvenir. Ce sont des adultes maintenant, et le livre reste pour eux l’un des mystères les plus impénétrables de leur existence ! » Pour d’autres personnes, le Salon du livre c’est aussi du travail. M. Boumaïza, gérant de la librairie Kartassia à Alger, nous explique : « C’est surtout pour avoir des contacts avec des éditeurs. Voir ce qu’il y a comme nouveautés et qui peut intéresser mes clients. Surtout en ce qui concerne les ouvrages spécialisés car la demande est assez importante. Ceux qu’on importe sont trop chers et chez nous, les chercheurs n’écrivent pas beaucoup et pour cause ! Parfois, il s’agit de plusieurs années de labeur et quand ils éditent leurs écrits, la rémunération se résume à des miettes. » Une journaliste nous répond avec un plaisir non dissimulé : « Chaque année, je l’attends avec impatience. Malgré la frustration de ne pouvoir acheter beaucoup de livres parce qu’ils sont chers, c’est un immense bonheur d’en voir autant. C’est magique ! Et puis ça me permet de voir toutes les nouveautés, de comparer les prix par rapport aux librairies… D’autant qu’il y a une grande ouverture sur l’étranger, depuis quelques années, on nous ramène de nouveaux auteurs à succès ou non ». Le Dr Belhadj , un spécialité en médecine légale, nous révèle : « Je vais au Salon du livre chaque année, et j’y emmène toujours mes enfants. Ils choisissent eux-mêmes les livres qu’ils veulent. Avant, on allait à l’étranger pour en acheter, mais c’était cher. Là c’est mieux. Moi, ce qui me fait peur, ce sont les livres à caractères subversifs… Quant aux livres spécialisés, il n’y en a pas beaucoup, mais on peut les commander. Il suffit d’y mettre le prix fort. Il faut rester connecté ! » Le Salon du livre, on aime ou on n’aime pas, mais il ne laisse pas indifférent.Ce qui ressort de ce sondage aléatoire, c’est que la lecture chez nous perd de l’altitude. Les jeunes préfèrent la télévision et Internet, plutôt qu’un bon bouquin. Peut-être que les écoles, les collèges et les lycées devraient être les plus ciblés en matière de politique du livre… Si l’espoir est perdu avec certains adultes, tout est à faire avec les jeunes, les enfants en particulier. L’espoir est permis.

Zineb Merzouk
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