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Enquête. À la veille du salon d’Alger
Enquête. À la veille du salon d’Alger
Les éditeurs méditent

Par : Slimane Brada. El Watan (11/10/2007)


Dans vingt jours exactement, les Pins maritimes grouilleront de monde et comme à l’accoutumée, les parkings seront pleins, les journalistes culturels sur la brèche et les lecteurs à la fois enthousiastes et frustrés.

Programmé du 31 octobre au 9 novembre, la 12e édition du SILA comprendra au moins 510 stands issus de 27 pays. Avant le rush, dans quel état d’esprit et avec quelles dispositions pratiques les éditeurs algériens, estimés à 130 participants, abordent-ils ce rendez-vous qui demeure la plus importante manifestation culturelle nationale. Avec cette question volontairement provocatrice au départ : y a-t-il une rentrée éditoriale en Algérie ? Mohamed Boillatabi, directeur d’EDIF-2000, maison qui se consacre à l’édition autant qu’à l’importation, déclare : « La rentrée éditoriale chez nous ? Je serai malhonnête de m’avancer sur ce terrain. Quelle rentrée ? Pour qu’elle ait lieu, il faut d’abord communiquer. En fait, c’est ça une rentrée éditoriale. Tout repose sur la communication, l’information… Or, chez nous, il n’y en a pas. Souvent, les éditeurs préfèrent garder le secret sur leurs projets de publications. La plupart du temps, nous travaillons au feeling. Il faut dire que les facteurs de production et de diffusion, les impressions par exemple, ne sont pas facilement maîtrisables, notamment pour les délais. De plus, il n’y a pas encore de véritable association des éditeurs, active, présente et qui communique en permanence. Ce serait à elle de prendre en charge cet aspect de promotion d’une rentrée. Donc, il y a une production, mais pas de visibilité. De plus, personne n’établit un planning général des publications pour le rendre public. On ne dispose même pas de statistiques ! » Pour Chantal Lefebvre, directrice des éditions du Tell : « Cette année, comme tout le monde, nous avons eu l’impression d’être un peu bousculés. Tout est venu en même temps : la rentrée économique, scolaire, le Ramadhan… ce qui fait que la rentrée éditoriale est passée inaperçue. Mis à part quelques rares librairies qui ont accueilli des séances de dédicace, on ne peut signaler que l’initiative de la galerie-librairie Arts en Liberté (Kouba) qui, pendant le Ramadhan, avec quelques éditeurs – dont nous – a organisé ‘’Des livres pour tous’’, avec des réductions. C’est une des rares actions qui a eu lieu. » On signalera que, durant la même période, la Bibliothèque nationale a organisé plusieurs rencontres avec des auteurs de livres liés au dialogue des civilisations et cultures. Notre interlocutrice poursuit : « Maintenant, est-ce que le SILA aura une visibilité suffisante cette année pour compenser en quelque sorte cette situation ? On verra bien. Sinon, je sais que les éditeurs travaillent d’arrache-pied en ce moment et préparent leurs ouvrages. » Pour sa part, Sofiane Hadjadj, responsable des éditions Barzakh, confirme sa collègue mais remet en question la notion de rentrée littéraire : « Je ne sais pas s’il y a jamais eu une rentrée littéraire en Algérie. Cela dit, il faut préciser que cette notion de rentrée littéraire est surtout une exception française. Tous les éditeurs du monde, très sagement, préfèrent répartir leurs parutions tout au long de l’année . Nous essayons ainsi de maintenir un rythme de parution tout au long de l’année. Nous avons publié en mars, mai, juin, septembre, début octobre… » Pour Mouloud Achour, responsable aux éditions Casbah, le concept de rentrée est également une « notion européenne » qui ne renvoie à aucune réalité en Algérie : « Pour nous, en fait, la rentrée éditoriale correspond au Salon du livre. Il est devenu une tradition et à ce titre, il constitue un repère pour tous les éditeurs comme pour l’ensemble des acteurs du livre… Nous ne travaillons pas en fonction de la rentrée ni même d’un autre événement. On sort un livre quand il doit sortir. Bien sûr, il y a des saisons. Traditionnellement, en été, nous ne publions pas pour des raisons évidentes. Sinon, nous nous attachons au champ éditorial que nous avons choisi et à notre programme annuel. » Du côté de la SNED, Mohamed Balhi, directeur d’éditions, nous affirme qu’en raison de la nature de son activité, essentiellement centrée sur les ouvrages liés au patrimoine national et à l’histoire, la société publique se sent investie d’une mission de mémoire qui l’éloigne des stratégies commerciales. Il précise : « L’opportunité de faire connaître des textes inscrits dans l’histoire du pays et qui ne sont plus disponibles aujourd’hui ne peut attendre telle ou telle période. » D’Oran, le directeur des éditions Dar El Gharb, Freha Benhamadi, en a gros sur le cœur, en dépit d’un palmarès honorable de sa maison qui édite en moyenne 100 titres par an, soit deux par semaine. Cette performance qui a valu en 2006 à Dar El Gharb le Prix de la meilleure maison d’édition nationale, section littérature, n’arrive pas à rassurer l’éditeur qui, dépité, affirme : « Nous sommes beaucoup plus vulnérables aujourd’hui qu’il y a trois ou quatre ans. Le livre revient plus cher et les charges n’arrêtent pas d’augmenter. » En quoi le rejoint Sofiane Hadjadj qui signale : « Tous les constituants d’un livre sont importés : depuis les machines d’impression jusqu’aux encres d’imprimerie et surtout le papier. Avec l’euro qui galope en ce moment, le prix du papier s’envole. »

L’écueil principal

L’inquiétude de Fréha Benhamadi s’étend au réseau de distribution : « A Oran et ailleurs, des librairies ont été cédées pour une bouchée de pain à des vendeurs de chaussures, de meubles ou de casse-croûte. C’est inadmissible que l’on enterre ainsi des lieux de rayonnement culturel. Agir ainsi, ce n’est ni plus ni moins qu’un assassinat programmé de tout ce qui rappelle le livre, la culture et le savoir. C’est l’ouverture garantie des portes à l’ignorance et au sous-développement. » Le patron d’Edif 2000 ajoute : « Qui dit rentrée éditoriale dit aussi diffusion et là, vraiment, c’est la grande catastrophe. La fermeture des grandes librairies du centre-ville d’Alger est un coup dur. Celles qui ont ouvert au même endroit n’ont pas encore compensé ce déficit. » Même son de cloche aux éditions Barzakh où Sofiane Hadjadj affirme : « Le réseau des librairies est dramatiquement pauvre et nous sommes dans une situation de marasme de ce point de vue. C’est une chose que nous partageons avec de nombreux pays, notamment arabes. Un éditeur libanais de passage à Alger me confiait que mêmes nos collègues de Beyrouth avaient les mêmes préoccupations. » Fréha Benhamadi s’en prend, en outre, à « la centralisation qui tue le livre et marginalise encore plus l’éditeur régional ». Des leçons des précédentes participations au SILA ont été tirées chez Barzakh : « Il n’est pas intéressant de sortir trop de livres à cette occasion, ni pour nous ni pour les lecteurs. D’abord, la promotion massive des activités du Salon, et c’est naturel, met en avant les animations, les rencontres d’auteurs, les conférences et débats… Il est difficile dans ce cadre de promouvoir véritablement un ouvrage. Les journalistes sont eux-mêmes débordés. Enfin, comme les livres étrangers sont bien plus chers que les nôtres, les lecteurs essaient bien sûr de profiter des réductions éventuelles. Tout cela fait que l’édition nationale passe assez inaperçue. Pour ce Salon, nous avons décidé donc de faire moins mais mieux, en nous concentrant sur 5 titres. » Cette démarche est partagée par les maisons spécialisées, notamment des domaines littéraire ou du patrimoine. A Edif 2000, l’avis est tranché : « Si vous me demandez ce que nous allons importer pour le SILA, je peux vous citer les titres. Il y aura des choses très intéressantes mais hélas, qui ne relèvent pas de la production nationale. Aujourd’hui, il est difficile d’éditer sans recourir aux aides publiques et comme nous n’avons eu accès à aucune, nous travaillons en fonction de nos moyens. Peu mais bien : un beau livre sur le maître du chaâbi, El Hadj Guerrrouabi, avec un CD intégré à la couverture. » Les tirages demeurent modestes, voire inquiétants. Chez Barzakh, on estime qu’actuellement, les diffusions calent à 1000 exemplaires, 1500 étant un best-seller. A Dar El Gharb où la moitié des éditions sera consacrée au livre universitaire et l’autre à la littérature, on relève une baisse des tirages, la maison ne voulant plus « jouer à Don Quichotte ». « Le prix du livre par rapport au pouvoir d’achat demeure l’écueil principal », affirme Hadjadj.

Ce que nous vivons

Cette année, les aides consenties dans le cadre d’Alger, capitale de la culture arabe ont permis de soutenir à la fin juin 417 ouvrages sur les 1001 prévus pour un tirage de 20 millions d’ouvrages. De quoi faire exploser les statistiques en la matière. Fréha Benhamadi regrette que cet effort n’ait pas été plus important : « Il aurait été probablement plus intéressant d’investir une partie de cet argent dans les bibliothèques et autres activités pérennes. Un concert ça ne laisse que peu de traces, un livre publié ça institue une visibilité culturelle, un partage à plusieurs. » Sofiane Hadjadj, qui a inscrit quelques ouvrages dans ce programme, souligne : « Les déclarations récentes de la ministre de la Culture, après son audience par le Président, sont encourageantes. Elle a parlé d’une intervention massive de l’Etat pour le développement de la lecture publique et c’est une bonne option. Tout va se jouer là. Sinon, on risque de déboucher sur des générations de non-lecteurs. Passée la décennie noire et les difficultés financières de l’Algérie, je me suis dis que nous allons entrer dans une phase de consommation de biens matériels. C’est ce que nous vivons. Puis, j’ai imaginé que nous entrerons après dans une phase de consommation culturelle. Je n’ai pas l’impression que cela s’enclenche vraiment. Peut-être est-ce encore trop tôt ? Finalement, il y a eu cette Année de la culture arabe pour relancer quelque peu les choses. Mais il y a des phénomènes lourds : Internet et la TV satellite, cette culture chez-soi qui nous empêche d’aller vers la librairie, le théâtre, la galerie d’art… Il faut combiner l’évolution de la société à un volontarisme de l’Etat. La pratique de la lecture ne pourra évoluer qu’à deux conditions : la prise en charge par l’Education nationale du champ littéraire et la réhabilitation des réflexes de lecture et le développement par les institutions culturelles d’un réseau de bibliothèques. » Même discours aux éditions Casbah : « Tant qu’il n’y aura pas une politique du livre, les éditeurs ne feront que ce qu’ils peuvent. Le gisement de lecteurs au plan commercial est très limité. L’aide de l’Etat ne doit pas se résumer à l’aspect financier. Seule la lecture publique peut nous sauver. Les bibliothèques peuvent créer un lectorat et de là, des acheteurs de livres. » C’est en des termes vitaux que Benhamadi défend cette position : « Seul un sursaut de l’Etat peut sauver ce qui reste à sauver. » Si le SILA reste un « repère », il est aussi un moment privilégié. « Souvent, confie Sofiane Hadjadj, le désespoir me gagne. Mais vient le Salon et la rencontre avec les lecteurs et là, on se rend compte combien d’Algériens et d’Algériennes aiment et veulent lire. Il y a parmi eux plus de jeunes qu’on ne le pense. De plus, cet engouement porte sur tous les genres sans exception. Ils nous communiquent un espoir immense même si nous échangeons aussi nos frustrations de lecteur et d’éditeur qui se rejoignent. » L’été et le Ramadhan ont été particulièrement laborieux pour les éditeurs. Ceux que nous avons rencontrés et d’autres (Dalimen, Sédia…), nous ont transmis leurs programmes de parutions pour le SILA et le quatrième trimestre. Nous vous rendrons compte prochainement de leur richesse et de leur diversité.

Slimane Brada
Abou Anis
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