L’organisation des spectacles est encore soumise à de nombreux aléas
Posté par alger-culture le May 04 2006 12:15:50
Les sociétés d’événements, entre aventurisme et professionnalisme
Par Farida Belkhiri (Jeune Indépendant)



Affiche du concert des Up Beat Beatles à Alger organisé par Organic Music et Expovision production
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L’organisation des spectacles est encore soumise à de nombreux aléas
Les sociétés d’événements, entre aventurisme et professionnalisme

Les sociétés de production audiovisuelles et cinématographiques privées qui se multiplient ces dernières années ne sont plus les seules entreprises à occuper le terrain. Les sociétés d’événements se mettent également de la partie et sont de plus en plus nombreuses à investir la scène culturelle algérienne en montant des spectacles qu’elles s’efforcent de réussir et auxquels elles essayent de donner un cachet d’exclusivité.
Cependant, contrairement aux maisons de production audiovisuelle et cinématographique, ces sociétés, souvent dirigées par des staffs de jeunes «amateurs» d’art, n’ont pas encore atteint le stade compétitif et «professionnel» qui leur permettrait de varier leurs prestations et surtout, de rester sur les rails. D’autant plus que les institutions culturelles étatiques, telles que l’Office national de la culture et de l’information (ONCI) et l’Etablissement Arts et Culture se posent comme de rudes concurrents ayant des moyens humains, logistiques et financiers, autrement plus importants qui leur permettent de dominer la scène en termes d’organisation d’événements. Ce qui n’est pas le cas des sociétés d’événements privées. En effet, vu le caractère privé et commercial de ces sociétés, ces dernières doivent se débrouiller seules pour subsister d’abord et se faire connaître par la suite. Pour cela, et pour garder un capital financier stable, ces sociétés recourent, en premier lieu, au sponsoring, qui, hormis leurs propres fonds, est la seule source de financement dont elles pourraient disposer. «Notre but est d’organiser des spectacles exclusifs. On veut ramener des artistes qui font un tabac à l’étranger et pour cela, on est prêt à en payer le prix. Pour payer ce prix justement, il nous faut le soutien du sponsoring. En fait, on fait tout pour qu’on ne soit pas, au moins, obligés de puiser dans l’apport de la billetterie, ce qui n’est pas facile», confie Nabila Sibous, représentante de la société d’événements The Seven Art qui est active depuis plus d’un an.
Mais le sponsoring, comme le mécénat, n’est pas une «culture» très répandue en Algérie. Aussi les sociétés d’événements ont-elles tout le mal du monde à «ramasser» un bon pactole, en terme de participations financières ou de promotion. «La plupart des entreprises que nous sollicitons nous déclarent qu’elles ne disposent pas d’un budget spécial pour le sponsoring. Quant aux grosses sociétés, elles n’investissent que lorsqu’il s’agit d’artistes de renommée internationale. C’est ce qui fait qu’on n’a pas de sponsors fixes. On doit à chaque fois batailler pour assurer le sponsoring.»
«Si on n’arrive par à l’obtenir, on annule tout simplement le concert. Les prestations de services que nous assurons parallèlement à l’organisation des spectacles, comme la conception des affichages et autres, ne sont pas suffisantes pour couvrir tous les frais d’un événement.
Ces prestations constituent juste un soutien», explique la représentante de The Seven Art qui, avec l’organisation ce soir à la salle Ibn Khaldoun du concert de la chanteuse française d’origine algérienne, Nadia, en est à son deuxième spectacle- événement. Le premier a eu lieu au mois de septembre dernier avec le concert de Leslie et Willie Dazy.
«Notre premier événement, on l’a organisé au Casif. Certes, le concert n’a pas fait salle comble, mais il y avait beaucoup de monde. Quant à l’organisation, ça s’est très bien passé. C’est d’ailleurs grâce à ce concert que des hôtels ont fait appel à nous pour nous charger d’organiser, à leur niveau, des concerts durant l’été», ajoute-t-elle. Comme de nombreuses sociétés voulant «faire l’événement», The Seven Art a dû aussi constituer un carnet d’adresses et un réseau de «partenaires» à l’étranger qui leur permettent de toucher les artistes susceptibles d’être programmés en spectacle. «Nous avons des partenaires français et en Orient. En fait, ce sont plus des contacts que de véritables partenaires. Ils nous aident à accrocher les artistes qu’on veut, et, en contrepartie, ils bénéficient d’une marge bénéficiaire.» Mais les difficultés que rencontrent ces sociétés ne sont pas uniquement d’ordre financier. «On est sous- estimés dans notre propre pays. Les sociétés d’événements sont rarement sollicitées pas les institutions, privées ou étatiques algériennes.
On nous prend toujours pour des non-professionnels et elles font appel à des sociétés étrangères pour l’organisation de spectacles et de manifestations qui leur coûtent les yeux de la tête. Pour ma part, j’estime qu’il existe en Algérie des professionnels algériens qui peuvent prendre en charge l’organisation de ces manifestations et assurer des prestations de bonne qualité pour la moitié des prix que ces institutions allouent aux étrangers», estime Naziha Snousi, représentante de la société Tayssir. Les sociétés d’événements sont également en quête d’un statut. Considérées plus comme des entreprises commerciales que culturelles, ces sociétés ne bénéficient d’aucun «avantage» leur permettant d’assumer plus facilement leur rôle de promoteurs de la culture.
Ce n’est qu’il y a un peu plus d’un mois que le conseil de gouvernement a adopté, sur proposition du ministre de la Culture, un décret exécutif qui fixe «les conditions et les modalités d’exercice de l’activité de promoteur de spectacles culturels.»
Ce texte précise les modalités de délivrance, par le ministère de la Culture, de la licence permettants «à toute personne physique ou morale, qualifiée et dûment inscrite au registre du commerce, d’exercer des activités dans le domaine de l’organisation des spectacles culturels.
De même, il énonce les obligations légales auxquelles doit se soumettre l’activité, au risque de retrait de l’autorisation d’exercice».
Ce décret, qui n’est pas encore promulgué, est salué par nombre de responsables de sociétés d’événements. Car, soutiennent-ils, en posant le cadre législatif définissant leur mission et organisant leur action, il précipitera la décantation nécessaire pour disqualifier tous les bricoleurs et les indus-occupants qui dévoient le métier. Evidemment, ce décret n’est pas une fin en soi. Il s’agira maintenant de penser à une loi qui encouragerait le sponsoring et le mécénat. Ainsi, la boucle sera bouclée et on pourra dès lors avoir de véritables sociétés d’événements professionnelles ayant tous les moyens pour réussir leur mission : la promotion et la socialisation de la culture.

F. B. (Jeune Indépendant) 04/05/2006