Politique culturelle
Posté par alger-culture le February 04 2012 16:57:05
Pour une action effective.

Par Yacine Idjer : Infosoir. 04.02.2012

Constat - Force est de constater que le secteur de la culture en Algérie a connu durant les années 2000 un certain renouveau.

Ce renouveau que l’on peut qualifier de renaissance est un fait. C’est une réalité indéniable, que l’on ne peut d’aucune manière contester ou nier. Car au plan formel, c’est-à-dire du point de vue du contenu, jamais l’Algérie n’a connu autant d’activités culturelles ou artistiques, et d’effervescence sur le plan de l’animation.
En effet, les événements culturels se sont multipliés lors de cette dernière décennie – autant de festivals nationaux qu’internationaux et de semaines culturelles à travers le pays.
Du point de vue quantitatif, donc chiffre, le bilan est manifestement positif. Les initiatives sont foisonnantes, louables, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Mais le fond de cette politique culturelle menée depuis le début des années 2000 par les instances concernées, dont le ministère de la Culture, c’est-à-dire la manière dont toutes ces actions ont été – et sont – gérées ouvre d’emblée la voie au débat. D’où la question de savoir s’il y a vraiment une politique culturelle allant dans ce sens, une politique inscrite effectivement dans la durée et qui est, de ce fait, rentable ?
S’exprimant sur le constat fait quant au secteur de la culture en Algérie, Ammar Kessab, expert en politique culturelle, dira : «Boosté par un budget d’un peu plus d’un milliard de dollars ces cinq dernières années, le secteur de la culture en Algérie a connu un certain dynamisme opéré par le seul ministère de la Culture.» Il déplore toutefois que «ce dynamisme s’apparente à ce que l’écrivain sud-africain J. M. Coetzee appelle une «énergie inopérante» et ce, pour deux raisons : la première est que le ministère de la Culture n’a pas élaboré une politique culturelle claire, et la deuxième est que ce même ministère a exclu automatiquement toute action culturelle de la société civile qui est censée porter les projets culturels. De là est né donc le sentiment d’exclusion chez les artistes, écrivains, opérateurs culturels indépendants, etc., et le sentiment que la culture n’est que pure divertissement (du ‘’ch’tih ou r’dih’’) chez les citoyens.»
Autrement dit, le ministère de la Culture exerce une autorité, voire une hégémonie sur l’action culturelle, alors qu’il est censé, comme il se fait ailleurs, à veiller à organiser, réguler ou financer le secteur de la culture qui, lui, doit être animé par les associations et autres organismes indépendants.
«Cela donnera naissance à une action culturelle indépendante, émanant du profond de la société avec toute sa diversité culturelle», estime-t-il.
Ammar Kessab tient, en outre, à préciser que «cette stratégie d’hégémonie est mise à mal cette année, car le budget de la culture va baisser en 2012 de 14%, une première depuis plus de 10 ans, ce qui, sur le principe, ne nous nous réjouit aucunement, mais qui est un vrai signal d’alarme pour le ministère de la Culture qui doit commencer à renforcer la société civile [et l’associer à sa stratégie]».

- A partir de là, on peut déduire qu’il n’existe pas de politique culturelle à proprement parler. «Une politique culturelle, explique Ammar Kessab, est la définition de la culture comme dictée par les comportements culturels de citoyens à travers leurs actions et expressions artistiques et culturelles. Elle s’écrit noir sur blanc, et est l’ensemble des techniques opérationnelles qui permettent son application effective pour la réalisation des objectifs de l’Etat en matière de culture, et l’effectivité de l’action culturelle de la société civile. Donc non, il n’existe pas de politique culturelle en Algérie.» Ainsi, la politique culturelle telle que menée, soulève la problématique du rôle de la société civile en tant que socle de la démocratie et un nid à valeurs dans le fonctionnement et le développement du secteur de la culture. Cela signifie en termes plus clairs la nécessité pour les artistes et intellectuels d’entrer en jeu et ce, en tant que société civile, pour participer à l’édification d’une politique culturelle nationale effective, efficace et durable.

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«L’année de l’éveil»

Espoir - Ammar Kessab estime qu’il y a un début d’éveil de conscience chez les artistes. Il pense qu’ils commencent aussi à s’organiser.

Cependant, «les artistes ne pourront pas s’organiser sans une politique publique qui leur permet de le faire», souligne Ammar Kessab qui poursuit : «Tant que les autorités concernées pensent que l’auto-organisation des artistes est une menace pour elles, l’artiste continuera à baigner dans le flou et la précarité.
Les associations des artistes et autres groupements indépendants de créateurs et activistes culturels doivent être soutenus, encouragés et financés et doivent être la priorité de la politique culturelle nationale. Le ministère de la Culture doit les considérer comme une richesse, une base de la concrétisation des objectifs de l’Etat en matière de culture (qui ne sont pas encore définis).» Pour Ammar Kessab, «les artistes pourront toujours se tourner vers le régional et vers l’international. Aujourd’hui, avec Internet et les réseaux sociaux, un artiste en Algérie peut adhérer à des organisations continentales et internationales qui peuvent lui permettre d’exprimer ses talents, de montrer et de diffuser son travail». S’exprimant ensuite sur les données qui font que le secteur de la culture indépendant se réveillera, il dira : «Je pense en effet que l’année 2012 sera l’année de l’éveil du secteur culturel indépendant, car j’ai remarqué que, l’année dernière, plusieurs initiatives indépendantes ont pu se concrétiser en Algérie, en s’inscrivant dans un cadre régional ou international. Les créateurs et les opérateurs culturels ont compris qu’il existe tout un ensemble d’institutions, de réseaux et de financeurs régionaux et internationaux qui peuvent les soutenir pour concrétiser leurs projets. Et c’est ainsi que plusieurs projets ont trouvé un soutien, à Abu Dhabi, en France, en Belgique, etc.»
Quant à savoir ce qu’on entend par «secteur de la culture indépendant», Ammar Kessab explique : «Le secteur culturel indépendant est constitué par l’ensemble des associations, collectifs ou individus qui travaillent librement et qui portent des projets culturels non officiels. Ces acteurs reflètent les expressions culturelles des citoyens, et engagent des actions culturelles et artistiques responsables et respectueuses des droits fondamentaux de l’Homme.»