Les actions en direction des vestiges patrimoniaux se sont accrues en 2006
Posté par alger-culture le December 28 2006 17:38:41
Une année dédiée au patrimoine
Par : Farida Belkhiri. La Tribune (28/12/2006)

L’année 2006 a été particulièrement «riche» pour le patrimoine. Marginalisé, cet important pan de la culture est resté, durant plusieurs années, à l’abandon, livré aux éléments naturels et à l’action de l’homme dont les effets ont été de loin les plus destructeurs.





























Mausolée Sidi Abderahmane : entrée du mausolée (Alger)
Photo par : Yves Traynard (2004)
Nouvelles entendues
Les actions en direction des vestiges patrimoniaux se sont accrues en 2006

Une année dédiée au patrimoine

Par : Farida Belkhiri. La Tribune (28/12/2006)

L’année 2006 a été particulièrement «riche» pour le patrimoine. Marginalisé, cet important pan de la culture est resté, durant plusieurs années, à l’abandon, livré aux éléments naturels et à l’action de l’homme dont les effets ont été de loin les plus destructeurs.
Cette situation était due essentiellement à l’outil juridique protégeant le patrimoine qui, se résumant à l’ordonnance promulguée en 1968, était dépassé et empêchait la nécessaire redéfinition du concept dans sa dimension tangible et intangible. A cela s’est ajoutée la faiblesse des budgets attribués au secteur de la culture qui ont grandement freiné la prise en charge du patrimoine que les responsables délaisseront peu à peu jusqu’à ne plus s’en soucier. La Citadelle d’Alger, la Casbah, Tipasa, Timgad, Djemila et les centaines de sites que compte l’Algérie ont fait les frais de la négligence et de l’insouciance affichées par les institutions concernées, aggravées par le comportement des citoyens inconscients et/ou incivils. Il aura fallu attendre 1998 pour voir un décret exécutif poser les nouveaux jalons pour la redéfinition du patrimoine dans ses deux dimensions et sa prise en charge. La machine était donc mise en branle. Mais il fallait attendre les textes d’application pour passer à l’action qui, au fil des années, se précisera. C’est ainsi que 2006 sera une année dédiée au patrimoine. Les choses ont commencé à évoluer. Des projets se sont concrétisés. Des enveloppes financières seront allouées à des chantiers de restauration au titre de différents fonds et programmes nationaux multi-sectoriels, des cycles de formation en restauration seront organisés à l’adresse des architectes et des études et des projets plus ou moins importants seront lancés un peu partout à travers le territoire.
Rappelons que la loi 98-04 du 15 juin 1998 définit tout d’abord le patrimoine culturel qui englobe tous les biens culturels immobiliers, mobiliers et immatériels. Ensuite, elle couvre les différentes formes de gestion, de conservation et d’exploitation de ce patrimoine qu’il soit propriété de l’Etat ou de particuliers. Dans ce contexte, conformément à la loi, le ministère de la Culture était appelé à établir un inventaire général des biens culturels, car l’Algérie ne dispose pas encore d’une liste de toutes ses richesses patrimoniales. Un constat sur lequel sont revenus des experts américains de l’organisation Foundation Monument’s Funds lors d’une visite effectuée au mois de novembre dernier en Algérie et qui ont proposé leur soutien pour l’établissement de cet inventaire. Outre ce dernier, le ministère de la Culture se doit de superviser le classement des sites, leur inscription sur
l’inventaire supplémentaire ou leur classement en tant que secteur sauvegardé comme c’est le cas, actuellement, de la Casbah d’Alger dont l’étude de restauration devra être achevée dans trois mois, selon la ministre de la culture, Khalida Toumi.
Les secteurs sauvegardés sont «les casbahs, médinas, ksour, villages et agglomérations traditionnels caractérisés par leur prédominance de zone d’habitat, et qui, par leur homogénéité et leur unité architecturale et esthétique, présentent un intérêt historique, architectural, artistique ou traditionnel de nature à en justifier la protection, la restauration, la réhabilitation et la mise en valeur». Par ailleurs, l’année 2006 a vu le budget du ministère de la Culture renforcé. Les fonds et programmes économiques de développement et la loi de finances ont consacré un important volet à la prise en charge du patrimoine, la restauration de sites notamment. On peut citer comme exemple l’enveloppe financière de 50 millions de dinars qui a été débloquée dans le cadre du programme complémentaire de l’exercice 2006, pour la réalisation d’une série d’opérations de restauration et de réhabilitation de certains vieux ksour de la commune de Djanet ainsi que pour le parc national du Tassili N’Adjer qui bénéficie d’une enveloppe de 240 millions.
Côté formation, maillon faible, voire inexistant, dans le domaine de la restauration et de la conservation, l’Algérie a fait appel à des spécialistes étrangers pour former restaurateurs, architectes et experts algériens. A ce propos, les experts américains ont fait remarquer que l’Algérie manque encore de spécialistes dans le domaine de la restauration et propose d’offrir leurs services en espérant que notre pays ne fera plus, dans le futur, appel aux étrangers pour restaurer ses sites archéologiques. Le patrimoine immatériel a, lui aussi, bénéficié d’une attention particulière et inédite. L’Algérie a abrité cette année la 1re session du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et a proposé des règlements d’attribution de classement des chefs-d’œuvre de l’humanité en matière de patrimoine culturel immatériel.
Mais si le patrimoine connaît une gestion plus réfléchie, même si elle reste insuffisante, dans le domaine de la conservation et de la restauration, ce n’est pas encore le cas de l’exploitation. «L’exploitation des sites fait défaut à l’Algérie. Car ces sites demandent à être exploités, touristiquement parlant», donc économiquement, avait déclaré en octobre dernier un expert étranger. L’exploitation tant scientifique qu’économique n’est cependant que le dernier maillon pour le développement duquel on peut se permettre de prendre du temps, voire du retard.
Le plus urgent est en fait la sauvegarde. Car, investir des sommes faramineuses pour restaurer des sites sans les mettre à l’abri du vandalisme ou du vol s’apparenterait à jeter de l’argent par les fenêtres. Or, on ne peut mettre derrière chaque pierre un gendarme ou un policier. La lutte contre le trafic d’objets patrimoniaux, en plus de la mise en place de brigades spécialisées, comme ce fut le cas avec les douanes et la police qui, en collaboration avec le ministère de la Culture, ont formé des agents pour la reconnaissance des objets patrimoniaux, doit impliquer le citoyen. Et cette implication ne peut être obtenue que si le citoyen est conscient de la valeur du patrimoine et de l’importance, pour lui d’abord, de le sauvegarder. Combien de fois n’a-t-on pas entendu des histoires de vandalisme, de saccage de la part des citoyens ? Cela sans parler de ceux qui détiennent des vestiges archéologiques sans les déclarer aux organismes concernés. «Il faut qu’il y ait un travail de collaboration entre les citoyens et les institutions. Le citoyen doit faire confiance à celles-ci et, pour ce faire, il faut que les institutions respectent leurs engagements. Des citoyens qui trouvent des vestiges dans leur jardin ou sur le terrain à bâtir qu’ils ont désespérément attendu ne manquent pas. Mais une fois la découverte déclarée, l’aire est clôturée pendant des années sans que des travaux de fouilles soient effectués. Il est normal que le citoyen qui a perdu son terrain et doit attendre encore pour obtenir celui promis en compensation se sente floué ! Et il servira d’exemple pour les autres qui, évidemment, tairont toute découverte qu’ils feraient. Bref, c’est une question de prise de conscience qui doit concerner toutes les parties», estime un spécialiste.

F. B.